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Méditation sur le 2e mystère glorieux
Tirée de L’année liturgique
de Dom Prosper Guéranger, osb
L'ASCENSION
Le jour s’est levé radieux, la terre qui s’émut à la naissance de l’Emmanuel éprouve un tressaillement inconnu ; l’ineffable succession des mystères de l’Homme-Dieu est sur le point de recevoir son dernier complément. Mais l’allégresse de la terre est montée jusqu'aux cieux ; les hiérarchies angéliques s’apprêtent à recevoir le divin chef qui leur fut promis, et leurs princes sont attentifs aux portes, prêts à les lever quand le signal de l’arrivée du triomphateur va retentir. Les âmes saintes, délivrées des limbes depuis quarante jours, planent sur Jérusalem, attendant l’heureux moment où la voie du ciel, fermée depuis quatre mille ans par le péché, s’ouvrant tout à coup, elles vont s’y précipiter à la suite de leur Rédempteur. L’heure presse, il est temps que notre divin Ressuscité se montre, et qu’Il reçoive les adieux de ceux qui L’attendent d’heure en heure, et qu’Il doit laisser encore dans cette vallée de larmes.
Tout à coup Il apparaît au milieu du Cénacle. Le cœur de Marie a tressailli, les disciples et les saintes femmes adorent avec attendrissement Celui qui se montre ici-bas pour la dernière fois. Jésus daigne prendre place à table avec eux ; Il condescend jusqu'à partager un dernier repas, non plus dans le but de les rendre certains de sa résurrection ; Il sait qu’ils n’en doutent plus ; mais, au moment d’aller s’asseoir à la droite du Père, Il tient à leur donner cette marque si chère de sa divine familiarité. Ô repas ineffable où Marie goûte une dernière fois en ce monde le charme d’être assise aux côtés de son Fils, où la sainte Église représentée par les disciples et par les saintes femmes est encore présidée visiblement par son Chef et son Époux !
Qui pourrait exprimer le respect, le recueillement, l’attention des convives, peindre leurs regards fixés avec tant d’amour sur le Maître tant aimé ? Ils aspirent à entendre encore une fois sa parole ; elle leur sera si chère à ce moment du départ ! Enfin Jésus ouvre la bouche ; mais son accent est plus grave que tendre. Il débute en leur rappelant l’incrédulité avec laquelle ils accueillirent la nouvelle de sa résurrection (Marc 16). Au moment de leur confier la plus imposante mission qui ait jamais été transmise à des hommes, Il veut les rappeler à l’humilité. Sous peu de jours ils seront les oracles du monde, le monde devra croire sur leur parole, et croire ce qu’il n’a pas vu, ce qu’eux seuls ont vu. C’est la foi qui met les hommes en rapport avec Dieu ; et cette foi, eux-mêmes ne l’ont pas eue tout d’abord : Jésus veut recevoir d’eux une dernière réparation pour leur incrédulité passée, afin que leur apostolat soit établi sur l’humilité.
Prenant ensuite le ton d’autorité qui convient à Lui seul, Il leur dit : « Allez dans le monde entier, prêchez l’Évangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. » (Marc. 16) Et cette mission de prêcher l’Évangile au monde entier, comment l’accompliront-ils ? par quel moyen réussiront-ils à accréditer leur parole ? Jésus le leur indique : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ; ils prendront les serpents avec la main ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ; ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris. » (Marc 16) Il veut que le miracle soit le fondement de son Église, comme Il l’a choisi pour être l’argument de sa mission divine. La suspension des lois de la nature annonce aux hommes que l’auteur de la nature va parler ; c’est à eux alors d’écouter et de croire humblement.
Voilà donc ces hommes inconnus au monde, dépourvus de tout moyen humain, les voilà investis de la mission de conquérir la terre et d’y faire régner Jésus-Christ. Le monde ignore jusqu'à leur existence ; sur son trône impérial, Tibère, qui vit dans la frayeur des conjurations, ne soupçonne en rien cette expédition d’un nouveau genre qui va s’ouvrir, et dont l’empire romain doit être la conquête. Mais à ces guerriers il faut une armature, et une armure de trempe céleste. Jésus leur annonce qu’ils sont au moment de la recevoir. « Demeurez dans la ville, leur dit-Il, jusqu'à ce que vous ayez été revêtus de la vertu d’en haut. » (Luc. 24,49) Or, quelle est cette armure. ? Jésus va le leur expliquer. Il leur rappelle la promesse du Père : « cette promesse, dit-Il, que vous avez entendue par ma bouche. Jean a baptisé dans l’eau ; mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit. » (Act. 1)
Mais l’heure de la séparation est venue. Jésus se lève et l’assistance tout entière se dispose à suivre ses pas. Cent vingt personnes se trouvaient là réunies avec la mère du divin Triomphateur que le Ciel réclamait. Le Cénacle était situé sur la montagne de Sion, l’une des deux collines que renfermait l’enceinte de Jérusalem. Le cortège traverse une partie de la ville, se dirigeant vers la porte orientale qui ouvre sur la vallée de Josaphat. C’est la dernière fois que Jésus parcourt les rues de la cité réprouvée. Invisible désormais aux yeux de ce peuple qui L’a renié, Il s’avance à la tête des siens, comme autrefois la colonne lumineuse qui dirigeait les pas du peuple israélite. Qu’elle est belle et imposante cette marche de Marie, des disciples et des saintes femmes, à la suite de Jésus qui ne doit plus s’arrêter qu’au ciel, à la droite du Père ! La piété du moyen âge la célébrait, jadis par une solennelle procession qui précédait la Messe de ce grand jour. Heureux siècles, où les chrétiens aimaient à suivre chacune des traces du Rédempteur, et ne savaient pas se contenter, comme nous, de quelques vagues notions qui ne peuvent enfanter qu’une piété vague comme elles !
On songeait aussi alors aux sentiments qui durent occuper le cœur de Marie durant ces derniers instants qu’elle jouissait de la présence de son Fils. On se demandait qui devait l’emporter dans ce cœur maternel, de la tristesse de ne plus voir Jésus, ou du bonheur de sentir qu’Il allait entrer enfin dans la gloire qui lui était due. La réponse venait promptement à la pensée de ces véritables chrétiens, et nous aussi, nous nous la ferons à nous-mêmes. Jésus n’avait-il pas dit à ses disciples : « Si vous M’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que Je m’en vais à mon Père ? » (Jo. 14, 28) Or, qui aima plus Jésus que ne l’aima Marie ? Le cœur de la mère était donc dans l’allégresse au moment de cet ineffable adieu. Marie ne pouvait songer à elle-même, quand il s’agissait du triomphe dû à son Fils et à son Dieu. Après les scènes du Calvaire, pouvait-elle aspirer à autre chose qu’à voir glorifié enfin Celui qu’elle connaissait pour le souverain Seigneur de toutes choses, Celui qu’elle avait vu si peu de jours auparavant renié, blasphémé, expirant dans toutes les douleurs ?
Le cortège sacré a traversé la vallée de Josaphat, il a passé le torrent de Cédron, et il se dirige sur la pente du mont des Oliviers. Quels souvenirs se pressent à la pensée ! Ce torrent, dont le Messie dans ses humiliations avait bu l’eau bourbeuse, est devenu aujourd'hui le chemin de la gloire pour ce même Messie. Ainsi l’avait annoncé David (Ps. 109). On laisse sur la gauche le jardin qui fut témoin de la plus terrible des agonies, cette grotte où le calice de toutes les expiations du monde fut présenté à Jésus et accepté par lui. Après avoir franchi un espace que saint Luc mesure d’après celui qu’il était permis aux Juifs de parcourir le jour du Sabbat, on arrive sur le territoire de Béthanie, cet heureux village où Jésus, dans les jours de sa vie mortelle, recherchait l’hospitalité de Lazare et de ses sœurs. De cet endroit de la montagne des Oliviers on avait la vue de Jérusalem, qui apparaissait superbe avec son temple et ses palais. Cet aspect émeut les disciples. La patrie terrestre fait encore battre le cœur de ces hommes ; un moment ils oublient la malédiction prononcée sur l’ingrate cité de David, et semblent ne plus se souvenir que Jésus vient de les faire citoyens et conquérants du monde entier. Le rêve de la grandeur mondaine de Jérusalem les a séduits tout à coup, et ils osent adresser cette question à leur Maître : « Seigneur, est-ce à ce moment que vous rétablirez le royaume d’Israël ? »
Jésus répond avec une sorte de sévérité à cette demande indiscrète : « Il ne vous appartient pas de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son pouvoir. » Ces paroles n’enlevaient pas l’espoir que Jérusalem fût un jour réédifiée par Israël devenu chrétien ; mais ce rétablissement de la cité de David ne devant avoir lieu que vers la fin des temps, il n’était pas à propos que le Sauveur fît connaître le secret divin. La conversion du monde païen, la fondation de l’Église, tels étaient les objets qui devaient préoccuper les disciples. Jésus les ramène tout aussitôt à la mission qu’Il leur donnait il y a peu d’instants : « Vous allez recevoir, leur dit-il, la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins dans Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre. » (Act. 1, 6-8)
Selon une tradition qui remonte aux premiers siècles du christianisme, il était midi, l’heure à laquelle Jésus avait été élevé sur la croix ; lorsque, jetant sur l’assistance un regard de tendresse qui dut s’arrêter avec une complaisance filiale sur Marie, Il éleva les mains et les bénit tous. À ce moment ses pieds se détachèrent de la terre, et Il s’éleva au ciel (Luc 24, 51). Les assistants le suivirent du regard ; mais bientôt il entra dans une nuée qui le déroba à leurs yeux (Act. 1).
C’en était fait : la terre avait perdu son Emmanuel. Quarante siècles l’avaient attendu, et Il s’était rendu enfin aux soupirs des Patriarches et aux vœux enflammés des Prophètes. Nous L’adorâmes, captif de notre amour, dans les chastes flancs de la Vierge bénie. Bientôt l’heureuse mère nous Le présenta sous l’humble toit d’une étable à Bethléem. Nous Le suivîmes en la terre d’Égypte, nous L’accompagnâmes au retour, et nous vînmes nous fixer avec Lui à Nazareth. Lorsqu'Il partit pour exercer sa mission de trois ans dans sa patrie terrestre, nous nous attachâmes à ses pas, ravis des charmes de sa personne, écoutant ses discours et ses paraboles, assistant à ses prodiges. La malice de ses ennemis étant montée à son comble, et l’heure venue où Il devait mettre le sceau à cet amour qui L’avait attiré du ciel en terre par la mort sanglante et ignominieuse de la croix, nous recueillîmes son dernier soupir et nous fûmes inondés de son sang divin. Le troisième jour, Il s’échappait de son sépulcre vivant et victorieux, et nous étions là encore pour applaudir à son triomphe sur la mort, par lequel Il nous assurait la gloire d’une résurrection semblable à la sienne. Durant les jours qu’Il a daigné habiter encore cette terre, notre foi ne L’a pas quitté ; nous eussions voulu Le conserver toujours ; et voici qu’à cette heure même Il échappe à nos regards, et notre amour n’a pu Le retenir ! Plus heureuses que nous, les âmes des justes qu’Il avait délivrées des limbes L’ont suivi dans son vol rapide, et elles jouissent pour l’éternité des délices de sa présence.
Les disciples tenaient encore les yeux fixés au ciel, lorsque soudain deux Anges vêtus de blanc se présentèrent à eux et leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui vous a quittés pour s’élever au ciel reviendra un jour en la même manière que vous L’avez vu monter. » (Act. 1) Ainsi, le Sauveur est remonté, et le Juge doit un jour redescendre : toute la destinée de l’Église est comprise entre ces deux termes. Nous vivons donc présentement sous le régime du Sauveur ; car notre Emmanuel nous a dit que « le fils de l’homme n’est pas venu pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui » (Jo. 3, 17) ; et c’est dans ce but miséricordieux que les disciples viennent de recevoir la mission d’aller par toute la terre et de convier les hommes au salut, pendant qu’il en est temps encore.
Quelle tâche immense Jésus leur a confiée ! et au moment où il s’agit pour eux de s’y livrer, Il les quitte ! Il leur faut descendre seuls cette montagne des Oliviers d’où Il est parti pour le ciel. Leur cœur cependant n’est pas triste ; ils ont Marie avec eux, et la générosité de cette mère incomparable se communique à leurs âmes. Ils aiment leur Maître ; leur bonheur est désormais de penser qu’Il est entré dans son repos. Les disciples rentrèrent dans Jérusalem, « remplis d’une vive allégresse », nous dit saint Luc (Luc, 24, 52), exprimant par ce seul mot l’un des caractères de cette ineffable fête de l’Ascension, de cette fête empreinte d’une si douce mélancolie, mais qui respire en même temps plus qu’aucune autre la joie et le triomphe. Cette solennité est le complément de tous les mystères de notre divin Rédempteur ; elle est du nombre de celles qui ont été instituées par les Apôtres eux-mêmes ; enfin elle a rendu sacré pour jamais le jeudi de chaque semaine, jour rendu déjà si auguste par l’institution de la divine Eucharistie.
Nous avons parlé de la procession solennelle par laquelle on célébrait, au moyen âge, la marche de Jésus et de ses disciples vers le mont des Oliviers. Nous devons rappeler aussi qu’en ce jour on bénissait solennellement du pain et des fruits nouveaux, en mémoire du dernier repas que le Sauveur avait pris dans le Cénacle. Imitons la piété de ces temps où les chrétiens avaient à cœur de recueillir les moindres traits de la vie de l’Homme-Dieu, et de se les rendre propres, pour ainsi dire, en reproduisant dans leur manière de vivre toutes les circonstances que le saint Évangile leur révélait. Jésus-Christ était véritablement aimé et adoré dans ces temps où les hommes se souvenaient sans cesse qu’il est le souverain Seigneur, comme il est le commun. Rédempteur. De nos jours, c’est l’homme qui règne, à ses risque et périls ; Jésus-Christ est refoulé dans l’intime de la vie privée. Et pourtant il a droit à être notre préoccupation de tous les jours et de toutes les heures ! Les Anges dirent aux Apôtres : « En la manière que vous L’avez vu monter, ainsi un jour Il descendra. » Puissions-nous L’avoir aimé et servi durant son absence avec assez d’empressement, pour oser soutenir ses regards lorsqu’Il apparaîtra tout à coup !
Après la lecture de l’Évangile, un acolyte monte à l'ambon et éteint silencieusement le cierge mystérieux qui nous rappelait la présence de Jésus ressuscité. Ce rite expressif annonce le commencement du veuvage de la sainte Église et avertit nos âmes que, pour contempler désormais notre Sauveur, il nous faut aspirer au ciel où Il réside. Que rapide a été son passage ici-bas ! que de générations se sont succédé, que de générations se succéderont encore jusqu'à ce qu'Il se montre de nouveau !
Loin de Lui, la sainte Église ressent les langueurs l'exil ; elle persévère néanmoins à habiter cette vallée de larmes ; car c'est là qu'elle doit élever les enfants dont le divin Époux l'a rendue mère par son Esprit ; mais la vue de son Jésus lui manque, et si nous sommes chrétiens, elle doit nous manquer aussi à nous-mêmes. Oh ! quand viendra le jour où de nouveau revêtus de notre chair, « nous nous élancerons dans les airs à la rencontre du Seigneur, pour demeurer avec Lui à jamais ! » (1 Thess. 4, 16) C'est alors, et seulement alors, que nous aurons atteint la fin pour laquelle nous fûmes créés.
Tous les mystères du Verbe incarné que nous avons vu se dérouler jusqu'ici devaient aboutir à son Ascension ; toutes les grâces que nous recevons jour par jour doivent se terminer à la nôtre. « Ce monde n'est qu'une figure qui passe » ( 1 Cor. 7, 31) ; et nous sommes en marche pour aller rejoindre notre divin Chef. En Lui est notre vie, notre félicité ; c'est en vain que nous voudrions les chercher ailleurs. Tout ce qui nous rapproche de Jésus nous est bon ; tout ce qui nous en éloigne est mauvais et funeste. Le mystère de l'Ascension est le dernier éclair que Dieu fait luire à nos regards pour nous montrer la voie. Si notre cœur aspire à retrouver Jésus, c'est qu'il vit de la vraie vie ; s'il est concentré dans les choses créées, en sorte qu'il ne ressente plus l'attraction du céleste aimant qui est Jésus, c'est qu'il serait mort.
Levons donc les yeux comme les disciples, et suivons en désir Celui qui monte aujourd'hui et qui va nous préparer une place. En haut les cœurs ! Sursum corda ! c'est le cri d'adieu que nous envoient nos frères qui montent à la suite du divin Triomphateur ; c'est le cri des saints Anges accourus au-devant de l'Emmanuel, et qui nous invitent à venir renforcer leurs rangs.
Sois donc béni, ô Cierge de la Pâque, colonne lumineuse, qui nous as réjouis quarante jours par ta flamme joyeuse et brillante. Tu nous parlais de Jésus, notre flambeau dans la nuit de ce monde ; maintenant ta lumière éteinte nous avertit qu'ici-bas on ne voit plus Jésus, et que pour le voir désormais, il faut s'élever au ciel. Symbole chéri que la main maternelle de la sainte Église avait créé pour parler à nos cœurs en attirant nos regards, nous te faisons nos adieux ; mais nous conservons le souvenir des saintes émotions que ta vue nous fit ressentir dans tout le cours de cet heureux Temps pascal que tu fus chargé de nous annoncer, et qui à peine te survivra de quelques jours.
Une tradition descendue des premiers siècles et confirmée par les révélations des saints, nous apprend que l'heure de l'Ascension du Sauveur fut l'heure de midi. Les Carmélites de la réforme de sainte Thérèse honorent d'un culte particulier ce pieux souvenir. A l'heure dite, elles se réunissent au chœur, vaquant debout à la contemplation du dernier des mystères de Jésus, et suivant l'Emmanuel de la pensée et du cœur aussi haut que son vol divin l'emporte.
Suivons-Le aussi nous-mêmes ; mais avant de fixer nos regards sur le radieux midi qui éclaire son triomphe, revenons un moment, par la pensée à son point de départ. C'est à minuit, au sein des ténèbres, qu'Il éclata tout à coup dans l'étable de Bethléem. Cette heure nocturne et silencieuse convenait au début de sa mission. Son œuvre tout entière était devant Lui, et trente-trois années devaient être employées à l'accomplir. Cette mission se déroula année par année, jour par jour, et elle allait touchant à sa fin, lorsque les hommes, dans leur malice, se saisirent de Lui et L'attachèrent à une croix. On était au milieu du jour, lorsqu'Il parut élevé dans les airs ; mais son Père ne voulut pas que le soleil éclairât ce qui était une humiliation et non un triomphe. D'épaisses ténèbres couvrirent la terre entière ; cette journée fut sans midi. Quand le soleil reparut, il était déjà l'heure de none. Trois jours après, Il sortait du tombeau aux premiers rayons de l'aurore.
Aujourd'hui, à ce moment même, son œuvre est consommée. Jésus a payé de son sang la rançon de nos péchés, il a vaincu la mort en ressuscitant glorieux ; n'a-t-Il pas le droit de choisir pour son départ l'heure où le soleil, son image, verse tous ses feux et inonde de lumière cette terre que son Rédempteur va, échanger pour le ciel ? Salut donc, heure de midi deux fois sacrée, puisque tu nous redis chaque jour et la miséricorde et la victoire de notre Emmanuel ! Gloire à toi pour la double auréole que tu portes : le salut de l'homme par la croix, et l'entrée de l'Homme au royaume des cieux !