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Brève histoire des apparitions - Centenaire des apparitions de Fatima
Fatima 100

Brève histoire des apparitions de Fatima


Le présent document ne présente que le récit des apparitions de 1916 et 1917.
Il s’appuie sur les mémoires de sœur Lucie, le livre du père De Marchi Témoignages sur les apparitions de Fatima, le livre du chanoine Barthas Ils étaient trois petits enfants et le tome 1 de Toute la vérité sur Fatima du frère Michel de la Sainte Trinité, tous livres auxquels il est fait de larges emprunts. Pour faciliter la lecture et harmoniser le style des différents documents ayant servi de source, la plupart des extraits ont été mis sous forme narrative.
Les dialogues entre Lucie, l’Ange et la Sainte Vierge ont été tirés des mémoires de sœur Lucie, en se référant à aux originaux portugais. Quelques-uns viennent des rapports d’enquête du curé de Fatima.

Les apparitions de l’Ange

L’Ange apparut trois fois en 1915, mais sans prononcer aucune parole.

Printemps 1916

Un jour du printemps, les trois cousins, Lucie dos Santos, François et Jacinthe Marto, décidèrent d’aller faire paître leurs troupeaux sur un terrain appartenant aux parents de Lucie et qui se trouvait au pied d’une colline, du côté du levant. Ce terrain s’appelait "Chousa Velha" (Le jardin vieux).
Vers le milieu de la matinée, une pluie fine commença à tomber. Les trois enfants, suivis de leurs brebis, montèrent alors sur le versant de la colline, à la recherche d’un rocher qui puisse leur servir d’abri. Ils trouvèrent à flanc de colline une anfractuosité d’environ deux mètres de profondeur, où il était possible d’entrer de plain-pied, mais où ils ne pouvaient trouver qu'un abri précaire en se serrant contre les parois rocheuses. Il était situé au milieu d’une oliveraie appartenant au parrain de Lucie.
La pluie cessa et le ciel redevint bleu, mais s’y trouvant bien, les enfants y restèrent toute la matinée. Vers midi, ils prirent leur repas, puis récitèrent le chapelet et commencèrent à jouer aux osselets avec de petits cailloux.

Ils étaient en train de jouer depuis un certain temps lorsqu’un vent assez fort secoua les arbres et leur fit lever la tête pour voir ce qui se passait, car la journée était belle. Ils virent alors, au-dessus des oliviers qui s’étendaient vers l’est et se dirigeant vers eux, une lumière plus blanche que la neige, transparente, plus brillante qu’un cristal traversé par les rayons du soleil, ayant la forme d’un jeune homme. Lucie avait déjà vu la même figure l’année précédente.  Mais Jacinthe et François ne l’avaient jamais vue et Lucie ne leur en avait jamais parlé. Au fur et à mesure qu’elle s’approchait, ils distinguèrent mieux ses traits. Elle avait l’apparence d’un jeune homme de 14 ou 15 ans, d’une grande beauté.

 En arrivant près d’eux, l’Ange leur dit :
— N’ayez pas peur ! Je suis l’Ange de la Paix. Priez avec moi !
Et, s’agenouillant, il s’inclina abaissant son front jusqu’au sol. Poussés par une force surnaturelle, les enfants l’imitèrent et répétèrent les paroles qu’ils l’entendirent prononcer :
— Mon Dieu je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour tous ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et ne vous aiment pas.
François n’entendit, mais il répéta la prière en entendant sa sœur et sa cousine la réciter.
Après leur avoir fait répéter trois fois cette prière, l’Ange se releva et dit :
— Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications.
Puis il disparut.

Les petits bergers restèrent longtemps prosternés, répétant cette prière. Lucie précisa plus tard :

 L’atmosphère de surnaturel qui nous enveloppait était si intense que, pendant un grand moment, nous nous rendions à peine compte de notre propre existence.
Nous restions dans la position où l’Ange nous avait laissés, répétant toujours la même prière. La présence de Dieu se faisait sentir d’une manière si intense et si intime que nous n’osions même plus parler entre nous. Le lendemain, nous sentions encore notre esprit enveloppé dans cette atmosphère qui ne disparut que très lentement.
Aucun de nous ne pensa à parler de cette apparition, ni à recommander le secret aux autres. L’apparition nous l’imposait par elle-même. C’était si intime qu’il nous était difficile de prononcer sur elle le moindre mot. Elle nous fit peut-être plus d’impression parce que c’était la première.

Ce fut le premier contact des petits bergers avec le monde surnaturel. Mais loin de comprendre la portée d'une telle faveur, au bout de quelques jours, ils reprirent leur vie d’enfant avec les amusements, les jeux, les chansons, les danses propres à leur âge ; ils en vinrent presque à tout oublier, comme si ç'eût été un simple songe.

Été 1916

L'été arriva avec sa chaleur brûlante qui desséchait la campagne. Aussi faisait-on sortir les brebis dès le petit jour pour leur faire profiter des heures matinales et de l'herbe encore humide de rosée. Mais, quand la chaleur leur ôtait l'appétit, on les reconduisait à la bergerie pour les faire ressortir seulement aux approches de la nuit. Tout le temps de la grosse chaleur était employé à faire la sieste ou à jouer à l'ombre des figuiers, des oliviers et des amandiers.

Un jour, les petits bergers étaient en train de jouer près du puits que possédaient les parents de Lucie, au fond du jardin et qu’on appelait l’"Arneiro". Ils y passaient souvent les heures de la sieste, à l’ombre des arbres qui entouraient le puits. Soudain, ils virent le même Ange près d’eux. Il leur dit :
— Que faites-vous ? Priez ! Priez beaucoup ! Les saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices.
— Comment ferons-nous des sacrifices ? demanda Lucie.
— De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. De cette manière, vous attirerez la paix sur votre Patrie. Je suis son Ange Gardien, l’Ange du Portugal. Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra.
Puis il disparut.

Dans ses mémoires, Lucie précise :

Les paroles de l’Ange se gravèrent dans notre esprit comme une lumière qui nous faisait comprendre qui est Dieu, combien Il nous aime et veut être aimé de nous, la valeur du sacrifice, et combien celui-ci lui est agréable, comment, par égard pour lui, Dieu convertit les pécheurs. C’est pourquoi, à partir de ce moment, nous avons commencé à offrir au Seigneur tout ce qui nous mortifiait, mais sans chercher à nous imposer d’autres mortifications ou pénitences, à l’exception des heures que nous passions prosternés sur le sol, à répéter la prière que l’Ange nous avait apprise.

Comme pour la première apparition, François n’entendit rien. Après quelques instants, il demanda à Lucie :
— Tu as parlé avec l’Ange, qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Tu ne l’as pas entendu ?
— Non, j’ai vu qu’il te parlait et j’ai entendu ce que tu lui as répondu, mais je ne sais pas ce qu’il t’a dit.
Comme l’atmosphère de surnaturel dans laquelle l’Ange les laissait ne s’était pas complètement dissipée, Lucie lui répondit de le lui demander le lendemain ou de le demander à Jacinthe. François demanda donc à sa sœur :
— Jacinthe, raconte-moi, toi, ce que l’Ange a dit.
— Je te le dirai demain ; aujourd’hui je ne peux pas parler.
Le lendemain, lorsqu’il arriva près de sa cousine, il lui demanda :
— As-tu dormi cette nuit ? Moi, j’ai toujours pensé à l’Ange et à ce qu’il a pu dire.
Lucie lui raconta alors tout ce que l’Ange avait dit. Comme il ne comprenait pas la signification de certaines paroles, il demanda :
— Qui est le Très-Haut ? Que veut dire les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs aux voix de vos supplications ? Etc.
Lorsqu’il obtint la réponse, il demeura pensif et aussitôt posa une autre question. Mais l’esprit de Lucie n’était pas encore complètement libre et elle lui demanda d’attendre le lendemain, car ce jour-là, elle ne pouvait pas parler. Il attendit, satisfait, mais à la première occasion, il posa de nouvelles questions. Jacinthe lui dit :
— Écoute, ne parle pas trop de ces choses !

Lorsqu’ils parlaient de l’Ange, les trois cousins ne comprenait pas ce qu’ils éprouvaient. Jacinthe disait :
— Je ne sais ce que je sens, je ne peux pas parler, ni chanter, ni jouer et je n’ai plus de force pour rien.
— Moi non plus, répondit François, mais qu’importe ! L’Ange est plus beau que tout. Nous devons penser à lui.

Automne 1916

Lorsque l’automne revint, le soleil étant moins chaud, les petits bergers ne revenaient plus à la maison pendant les heures de la sieste, mais passaient toute la journée avec leurs brebis.

Un jour, ils allèrent faire paître leurs troupeaux dans un terrain appartenant aux parents de Lucie, situé sur le versant de la colline qui se trouve un peu plus haut que les "Valinhos". C’était une oliveraie appartenant aux parents de Lucie qu’ils appelaient "Prégueira". Après avoir pris leur repas, ils décidèrent d’aller prier à la « Lapa » (« Lapa » signifie la « grotte ») située de l’autre côté de la colline et qui n’est autre que le lieu de la première apparition de l'Ange. Pour cela, il leur fallut escalader quelques rochers qui se trouvaient en haut de "Prégueira". Les brebis réussirent à passer avec une certaine difficulté. Dès qu’ils furent arrivés, ils se mirent à genoux et récitèrent le chapelet. Puis, le visage contre terre, ils se mirent à répéter la prière de l’Ange : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime, etc. »

Ils l’avaient déjà répétée de nombreuses fois lorsqu’ils virent briller au-dessus d’eux une lumière inconnue. Ils se relevèrent pour voir ce qui se passait et aperçurent alors l’Ange pour la troisième fois. Dans ses mains, il tenait un calice au-dessus duquel se trouvait une Hostie d’où tombait dans le calice quelques gouttes de sang. Laissant le calice et l’Hostie suspendus dans l’air, il s’agenouilla près d’eux, se prosterna jusqu’à terre, comme lors de la première apparition, et leur fit répéter trois fois cette prière :
— Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je Vous adore profondément et je Vous offre le très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les tabernacles de la terre, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels Il est Lui-même offensé. Et par les mérites infinis de son Très Saint Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs.
Puis, se relevant, il prit de nouveau dans ses mains le calice et l’Hostie. Il donna la Sainte Hostie à Lucie et donna le contenu du calice à Jacinthe et à François, en disant en même temps :
—  Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu.
Se prosternant de nouveau à terre, avec les petits bergers, il répéta encore trois fois la même prière : « Très Sainte Trinité, etc. ... » Puis il disparut.

Pendant quelque temps, les petits bergers restèrent comme privés de leurs sens, prostrés par un abattement physique qui les paralysaient, mais l'âme plongée dans une paix intime et une félicité immense. Leur âme était comme absorbée complètement en Dieu. Dans ses mémoires, Lucie précise :

Poussés par la force du surnaturel qui nous enveloppait, nous avions imité l’Ange en tout, c’est-à-dire, que nous nous étions prosternés comme lui, et avions répété les prières qu’Il disait. La force de la présence de Dieu était si intense, qu’elle nous absorbait et nous annihilait presque complètement. Elle semblait même nous priver de l’usage de nos sens corporels, et cela pendant un long espace de temps. Nous sommes restés dans la même attitude, répétant toujours les mêmes paroles. Et quand nous nous sommes relevés nous avons vu qu’il faisait nuit et que c’était l’heure de rentrer à la maison. (…)
Au cours de ces jours-là, nous exécutions les actions matérielles, comme poussés par la même force surnaturelle qui nous y portait. La paix et la joie que nous ressentions étaient grandes, mais seulement intérieures, notre âme complètement concentrée en Dieu. L’abattement physique qui nous prostrait était grand aussi.

Après cette apparition, la présence du surnaturel fut encore beaucoup plus intense. Pendant plusieurs jours, même François n’osait pas parler. Il confia plus tard :
— J’aime beaucoup voir l’Ange, mais le pire c’est que, après, nous sommes incapables de faire quoi que ce soit. Je ne pouvais même plus marcher, je ne sais pas ce que j’avais !
Après quelques jours, et lorsqu’ils eurent retrouvé leur état normal, François demanda à Lucie :
— L’Ange t’a donné, à toi, la sainte Communion ; mais à moi et à Jacinthe, qu’est-ce qu’il a donné ?
— C’est aussi la sainte Communion, répondit Jacinthe, avec un bonheur indescriptible. N’as-tu pas vu que c’était le sang qui tombait de l’Hostie ?
— Je sentais que Dieu était en moi, mais je ne savais pas comment cela s’était fait.
Alors, se prosternant à terre avec sa petite sœur, il resta longtemps ainsi, répétant la prière de l’ange : « Très Sainte Trinité, etc. »

Peu à peu l’atmosphère de surnaturel disparut, et petit à petit, les trois enfants retrouvèrent leur entrain. Comme pour les autres apparitions, ils comprirent la nécessité de garder le silence, ce qu’ils firent scrupuleusement.
Ces trois apparitions de l’Ange les préparèrent à celles qu’ils allaient avoir l’année suivante.

Les apparitions de Notre-Dame

13 mai 1917

Le dimanche précédant la fête de l'Ascension, avant de sortir avec leurs brebis, les trois petits bergers s'étaient rendus à l'église paroissiale pour entendre la première messe dominicale, celle qu'on appelle dans le pays la "Messe des âmes" parce qu'on y prie spécialement pour les défunts. La seconde messe, plus tardive, qui a lieu vers midi, s'appelle la "Messe du jour".
La messe finie, les petits bergers revinrent à la maison, prirent le sac qui contenait leur repas et partirent avec leurs brebis. Lucie, comme elle le faisait presque toujours, choisit l'endroit où ils iraient les faire pâturer : ce jour-là, elle opta pour un terrain appartenant à ses parents à la Cova da Iria. Ils traversèrent lentement la lande pour permettre aux brebis de brouter le long du chemin et arrivèrent un peu avant midi à l'endroit choisi.
Les cloches de l'église sonnaient la "Messe du jour" les avertissant qu'il était bientôt midi. Ils ouvrirent alors leurs sacs de provisions, se signèrent, récitèrent un Notre Père pour les défunts de leur famille et prirent leur repas. Ensuite, après avoir dit les Grâces, ils tirèrent leur chapelet de leur poche et se mirent en devoir de le réciter.

Puis ils poussèrent les brebis un peu plus haut sur la colline et se mirent à construire, pour s'amuser, un petit édifice avec des pierres. François était l'architecte et le maçon ; sa petite sœur et sa cousine lui apportaient les pierres nécessaires. Soudain, une vive lumière, que les petits bergers, faute de terme plus approprié, appelleront un éclair, vint troubler leurs occupations. Lucie confia plus tard que ce ne fut pas un éclair comme ceux de la foudre, mais un éblouissement, une sorte d'explosion de lumière qui éclatait à leurs yeux.
Laissant là leurs pierres, tout surpris, ils lèvent les yeux vers le ciel, car ils savaient qu'il n'y a pas d'éclair sans orage. Mais, ni d’un côté ni de l’autre, il n'y avait le moindre indice d’orage : pas le moindre nuage dans l'azur du ciel ; pas le plus léger souffle de vent. Le soleil, au zénith, était splendide, l'atmosphère chaude et calme.
— Il vaut mieux retourner à la maison, dit Lucie à ses cousins, car voici des éclairs et il pourrait venir de l’orage.
Ils commencèrent lors à descendre la pente, poussant les brebis en direction de la route. En arrivant à peu près à mi-pente, ils virent un autre éclair et, après avoir fait encore quelques pas, ils virent au-dessus d’un petit chêne vert, « une dame, toute vêtue de blanc, plus brillante que le soleil, irradiant une lumière plus claire et plus intense qu’un verre de cristal rempli d’eau cristalline, traversé par les rayons du soleil le plus ardent » selon la description qu’en fit Lucie. Ils s’arrêtèrent surpris par cette apparition. Ils étaient si près qu’ils se trouvaient dans la lumière qui l’entourait, ou plutôt qui émanait d’elle, à environ un mètre et demi de distance.

Voici la description que put en faire le chanoine Barthas avoir étudié en détail ce qu’il en était :

Pour décrire cette magnifique vision, il faudrait, disaient les enfants, le langage des anges. Les trois petits pastoureaux s'y sont appliqués de leur mieux. Les peintres ont essayé, sur leurs dires, de la dessiner ; mais il eût fallu en tracer les traits avec des rayons de soleil pour en exprimer l'indescriptible beauté.
La merveilleuse Dame paraît avoir tout au plus dix-huit ans. Elle ne ressemble à aucune des images de la Vierge ou d'autres saintes que les enfants ont vues. Elle est bien différente, en particulier, de la statue de Notre-Darne des Joies de l'église paroissiale, qui tient l'Enfant-Jésus dans ses bras.
Le visage, aux lignes très pures et infiniment délicates, brille dans une auréole de soleil ; il sourit aimablement, mais d'un sourire légèrement voilé par une ombre de tristesse. Les yeux sont noirs.
Les mains sont jointes à la hauteur de la poitrine. À la main droite pend un joli chapelet dont les grains blancs mais brillants comme des pierres précieuses, sont reliés par une chaîne d'or.
La robe, d'un blanc de neige, descend jusqu'aux pieds. Elle est serrée autour du cou par un cordon doré dont les bouts retombent jusqu'à la taille.
Une « mante » blanche, aux bords ornés d'un fin galon d'or, recouvre la tête, vient couvrir toute la largeur des épaules et retombe aussi bas que la robe.
Les pieds nus et roses posent doucement sur un léger nuage d'hermine qui effleure les verts rameaux de l'arbuste.

Plus tard, pour décrire le visage de la vision, Lucie ne saura dire que ce mot : Lumière !
— Elle était lumière, lumière, lumière ! Era luz, luz, luz !
Lucie précisa également :

Il me semble que si je savais peindre – sans être capable de la peindre telle qu'elle est, puisque c'est impossible et qu'on ne peut même pas la décrire avec des mots de la terre – je mettrais seulement une robe aussi simple et aussi blanche que possible, et la ‘mante’ tombant du sommet de la tête jusqu'au bas de la robe. Et comme je ne pourrais pas peindre la lumière et la beauté qui l'ornaient, je supprimerais toutes les parures, à l'exception d'un mince filet sur les bords de la mante. Cet ornement brillait sur le fond de la lumière comme si c'eût été un rayon de soleil brillant plus intensément que le reste. Cette comparaison reste bien en deçà de la réalité, mais je ne sais comment mieux l'exprimer.

Notre Dame leur dit :
— N’ayez pas peur. Je ne vous ferai pas de mal.
— D’où vient votre Grâce ? demanda Lucie.
— Je suis du Ciel.
Lucie n'a pas dit ‘Madame’ (‘Senhora’) à la belle Dame, mais ‘Vossemecê’, terme de respect qu'elle employait pour s'adresser à ses parents.
— Et que veut de moi votre Grâce ?
— Je suis venue vous demander de venir ici pendant six mois de suite, le 13 du mois, à cette même heure. Ensuite, je vous dirai qui je suis et ce que je veux. Après je reviendrai encore ici une septième fois.
Cette « septième fois » eut lieu le 16 juin 1921, à la veille de son départ pour le collège de Vilar, à Porto.
— Pouvez-vous me dire si la guerre durera encore longtemps ou si elle va bientôt finir ?
— Je ne puis te le dire encore, tant que Je ne t'ai pas dit aussi ce que Je veux.
— Et moi aussi j’irai au Ciel ?
— Oui, tu iras.
— Et Jacinthe ?
— Aussi.
— Et François ?
— Aussi, mais il devra réciter beaucoup de chapelets.
Lucie posa alors une question au sujet de deux jeunes filles qui étaient mortes depuis peu et étaient ses amies, car elles venaient à la maison de ses parents apprendre à tisser avec sa sœur aînée.
— Est-ce que Maria das Neves est déjà au Ciel ? (Elle avait environ 16 ans.)
— Oui, elle y est.
— Et Amélia ? (Elle avait entre 18 et 20 ans.)
— Elle est au purgatoire jusqu’à la fin du monde. Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’Il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs ?
— Oui, nous le voulons.
— Vous aurez alors beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort.

La Dame ouvrit alors les mains et voici ce qui se rapporta Lucie dans ses mémoires :

C’est en prononçant ces dernières paroles qu’elle ouvrit pour la première fois les mains et nous communiqua, comme par un reflet qui émanait d’elles, une lumière si intense que, pénétrant notre cœur et jusqu’au plus profond de notre âme, elle nous faisait nous voir nous-mêmes en Dieu qui était cette lumière, plus clairement que nous nous voyons dans le meilleur des miroirs.
Alors, par une impulsion intérieure qui nous était communiquée, nous tombâmes à genoux et nous répétions intérieurement : « Ô, Très Sainte Trinité, je vous adore. Mon Dieu, mon Dieu, je Vous aime dans le très Saint Sacrement. »

Après quelques instants, Notre Dame ajouta :
— Récitez le chapelet tous les jours, afin d’obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre.
Cette dernière phrase est capitale pour bien comprendre le sens général du message de Fatima : Notre Dame atteste, dès cette première apparition, la relation entre la conversion qu’elle demande et la fin des épreuves de l'humanité.
Ensuite, Notre Dame commença à s’élever doucement, puis s'éloigna, comme en glissant, dans la direction du levant. L'inoubliable vision s'évanouit ainsi dans la lumière du jour. Plus tard, Lucie dira que la lumière qui l’environnait, semblait lui ouvrir un chemin à travers les astres, ce qui lui faisait dire quelquefois qu’ils avaient vu le ciel s’ouvrir.

Les trois petits demeurèrent quelques instants comme fascinés, le regard levé vers le ciel, fixant le point où la céleste vision avait disparu. Quand ils revinrent à eux et regardèrent de nouveau autour d'eux pour voir où étaient les brebis, ils constatèrent avec joie qu'elles continuaient à brouter tranquillement, à l'ombre des chênes verts.
Autour d'eux, les arbres et les collines n'avaient pas bougé. Le soleil était toujours de feu. Tout était calme dans la campagne solitaire. Quelques brebis avaient envahi un champ voisin. Les enfants coururent pour les ramener. Quels ennuis ils allaient avoir ! Car ce champ était la propriété d'une autre famille. Il faudra payer des dommages. « Heureusement, dit Lucie en racontant la chose, on ne voyait pas trace de la moindre rapine ». La Dame avait dit vrai : elle était bonne et puissante !
Les indociles ramenées, les enfants purent échanger leurs premières impressions. Comme pour les visions de l’Ange, François avait tout vu mais n’avait rien entendu. Il en sera ainsi pour toutes les autres apparitions de la Sainte Vierge. L'apparition avait parlé avec Lucie seule. Jacinthe avait entendu les demandes et les réponses. François n'avait entendu que la voix de sa cousine tout en ayant bien perçu que la Dame avait parlé, car il avait vu ses lèvres remuer.
À elle seule, cette inégalité de perception des voyants est une preuve de la véracité des voyants. S'ils avaient convenu entre eux de raconter une vision, les enfants auraient-ils pu imaginer cette différence, cette gradation dans les communications de la Dame avec chacun d'eux ?
Lucie et Jacinthe racontèrent alors à François tout ce que Notre Dame avait dit. Et, heureux, voulant manifester la joie qu’il ressentait de la promesse qu’il irait au Ciel, il croisa les mains sur sa poitrine et s’écria :
— Ô Notre Dame ! Des chapelets, j’en réciterai autant que vous voudrez !
Dès lors, il prit l’habitude de s’éloigner de sa sœur et sa cousine, pour réciter des chapelets comme le lui avait demandé la belle Dame.

Voici quelques autres commentaires de Lucie sur cette apparition.

La peur que nous ressentions n’était pas à proprement parler la peur de Notre Dame, mais bien la crainte d’un orage, que nous supposions menaçant et que nous voulions éviter. Les apparitions de Notre Dame n’inspirent pas la crainte ou la peur, mais seulement la surprise.
Lorsqu’on me demandait si j’avais eu peur et que je disais ‘oui’, je faisais allusion à la peur que j’avais eue des éclairs et de l’orage que je supposais proche. C’est cela que nous voulions fuir, car nous n’étions habitués à voir des éclairs qu’au moment d’un orage.
Les éclairs n’étaient pas vraiment des éclairs, mais bien le reflet d’une lumière qui s’approchait. C’est parce que nous avons vu cette lumière, que nous disions quelquefois que nous voyions venir Notre Dame, mais Notre Dame elle-même nous ne pouvions la distinguer dans cette lumière que lorsqu’elle était déjà au-dessus du chêne vert.
C’est faute de savoir nous expliquer, et pour éviter les questions, que parfois nous avons dit que nous voyions venir Notre Dame, et d’autres fois que nous ne la voyions pas venir. Lorsque nous disions « oui, nous la voyions venir », nous faisions allusion au fait que nous voyions approcher cette lumière, qui finalement était elle. Lorsque nous disions que nous ne la voyions pas venir, nous faisions allusion à Notre Dame elle-même que nous ne voyions que lorsqu’elle était déjà sur le chêne vert.

Plus tard, les enfants prirent conscience que les apparitions de la Sainte Vierge produisaient des effets bien différents de celles de l’Ange. Voici comment Lucie expliqua le fait :

Je ne sais pourquoi, les apparitions de Notre Dame produisaient en nous des effets bien différents. La même joie intime, la même paix et le même bonheur, mais, au lieu de cet abattement physique, une certaine vivacité expansive, au lieu de cet anéantissement en la Divine présence, une joie immense, au lieu de cette difficulté à parler, un certain enthousiasme communicatif. Malgré ces sentiments, je sentais l’inspiration de me taire, surtout sur certaines choses.
L’Apparition de Notre Dame vint de nouveau nous plonger dans le surnaturel, mais d’une manière beaucoup plus suave. Au lieu de cet anéantissement en la divine présence, qui nous prostrait, même physiquement, celle-ci nous laissa une paix, une joie expansive qui ne nous empêchait pas de parler ensuite de ce qui s’était passé. Cependant, à propos des rayons que Notre Dame nous avait communiqués par ses mains ouvertes, et de tout ce qui s’y rattachait, nous ressentions un je ne sais quoi intérieur, qui nous poussait à nous taire.

Un jour François dit à Lucie :
— J’ai beaucoup aimé voir l’ange, mais j’ai aimé encore davantage Notre Dame. Ce que j’ai le plus aimé, ce fut de voir Notre Seigneur dans cette lumière que Notre Dame nous a mise dans la poitrine. J’aime tellement Dieu ! Mais Lui, Il est si triste à cause de tant de péchés ! Nous, nous ne devons jamais en faire aucun.

13 juin 1917

Vers onze heures ce jour-là, les trois enfants se rendirent à la Cova da Iria. En arrivant, ils trouvèrent une cinquantaine de personnes venues des divers hameaux proches de Fatima et des paroisses voisines. En effet, la nouvelle de l'apparition du 13 mai s’était répandue dans toute la paroisse et au-delà. Parmi ces premiers pèlerins, la plus connue est une femme de Moita, un hameau tout proche de Fatima, Madame Maria dos Santos Carreira, venue là avec son fils estropié de 17 ans, Joâo (Jean).
Tout le monde suivit les trois voyants qui s'arrêtèrent près du chêne vert, le regard fixé vers l'est. Mme Carreira demanda à Lucie :
— Oh petite ! quel est le chêne vert où Notre-Dame est apparue ?
— Voyez, répondit Lucie, c'est ici qu'elle se trouvait.
Et elle mit la main sur la cime d’un petit chêne vert, d’environ un mètre de haut, en pleine croissance. Les branches étaient bien droites, vigoureuses et d'un bel aspect.

Il faisait très chaud. Lucie s'éloigna un peu pour se mettre à l'ombre d'un grand chêne vert. Elle s'assit près du tronc de l'arbre, François et Jacinthe de chaque côté d'elle. Ils se mirent à manger des graines de lupin et à s'amuser avec les autres enfants. Voyant cela, Mme Carreira, qui était malade et se sentait très faible, demanda à Lucie :
— Notre-Dame va-t-elle tarder longtemps ?
— Non, Madame, répondit Lucie ; elle ne tardera pas.
À mesure que le moment approchait, Lucie devenait plus grave. Jacinthe, elle, continuait à s'amuser, et Lucie lui dit :
— Arrête-toi, Jacinthe ; Notre-Dame va venir.
Ceux qui venaient de loin se mirent à manger,et offrirent quelque chose aux petits bergers qui acceptèrent seulement une orange chacun. Mais ils ne les mangèrent pas.
Une jeune fille de Boleiros se mit à lire à haute voix dans un livre de prières qu'elle avait apporté. Puis elle récita le chapelet et on lui répondit. Lorsqu'elle commença les litanies de la Sainte Vierge, Lucie l'arrêta, lui disant qu'il n’y avait plus assez de temps. Soudain elle se leva, arrangea son châle et son foulard et s’écria :
— Jacinthe, voici Notre-Dame ; elle a fait son ‘éclair’.

Les trois enfants coururent vers le chêne vert au-dessus duquel Notre-Dame venait de s’arrêter. Les gens les suivirent, se mettant à genoux comme eux au milieu des buissons et des genêts. Lucie leva les mains, comme si elle priait.
— Que veut de moi votre Grâce ? demanda-t-elle.
— Je veux que vous veniez ici le 13 du mois prochain, que vous disiez le chapelet tous les jours et que vous appreniez à lire. Ensuite, je vous dirai ce que je veux.

Mme Carreira et plusieurs personnes témoignèrent qu’elles commencèrent alors à entendre comme un son de voix très léger mais sans pouvoir en comprendre les paroles : « C'était comme le bourdonnement d'une abeille » dirent-elles après l’apparition.
Mme Carreira ajouta qu'elle avait vu les rameaux de l'arbre se ployer pendant la durée de l'apparition, comme si le poids de la Dame avait réellement pesé sur eux.

Lucie demanda la guérison d’un malade.
— S’il se convertit, il sera guéri durant l’année.
— Je voudrais vous demander de nous emmener au ciel.
— Oui, Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici pendant un certain temps. Jésus veut se servir de toi afin de me faire connaître et de me faire aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À celui qui embrassera cette dévotion, je promets le salut, et ces âmes seront aimées de Dieu, comme des fleurs placées par moi pour orner son trône.
— Je vais rester ici tout seule ?
— Non, ma fille. Tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas. Je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu.

Notre-Dame ouvrit alors les mains, comme la fois précédente. Voici ce que rapporte Lucie :

Ce fut au moment où elle prononça ces dernières paroles qu’elle ouvrit les mains et nous communiqua, pour la seconde fois, le reflet de cette lumière immense. En elle, nous nous vîmes comme submergés en Dieu. Jacinthe et François paraissaient être dans la partie de cette lumière qui s’élevait vers le ciel, et moi dans celle qui se répandait sur la terre. Devant la paume de la main droite de Notre Dame se trouvait un cœur, entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer. Nous avons compris que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation.

Puis Notre-Dame commença à s’élever en s’éloignant vers l’est. Lucie se leva et, le bras tendu, s’écria :
— Regardez, elle s'en va par là.
Les témoins virent alors une légère nuée qui s'élevait doucement de l'arbuste en s'éloignant vers l'est. Au même moment, tous purent voir les rameaux du petit chêne vert s'infléchir du côté de l'est comme si la robe de la Dame avait, en partant, traîné sur eux. Et ils entendirent « une sorte de sifflement lointain, celui d’une fusée d’artifice lorsqu'elle commence à monter ». Certaines personnes dirent : « Je le vois encore ; il est là... » jusqu'à ce que, pour finir, personne ne prétendit plus le voir.
Les petits bergers restèrent silencieux, les yeux fixés sur le même point du ciel, jusqu'à ce que Lucie, au bout d'un moment, déclara :
— C'est fini ! Maintenant on ne la voit plus ; elle est rentrée au Ciel !

En se tournant alors vers le chêne vert, les témoins eurent la surprise de voir que les branches du sommet, qui étaient auparavant toutes droites, étaient maintenant un peu inclinées vers le levant, comme si elles avaient été réellement foulées par quelqu'un. Les gens se mirent alors à prendre de petits rameaux et des feuilles du chêne vert ; Lucie leur recommanda de ne prendre que ceux du bas, mais pas ceux du haut où la Dame avait posé ses pieds.
« Disons le chapelet ! » dit quelqu'un, voyant que chacun s'en allait ensuite de son côté. Mais quelques personnes, venues de loin, dirent : « Récitons seulement les Litanies ! Nous dirons le chapelet en revenant à Fatima. » Ainsi fut fait, et les Litanies terminées, tout le monde partit vers Fatima, récitant le chapelet avec les enfants.

L'apparition avait duré environ un quart d'heure. Comme la première fois, Jacinthe avait tout entendu, mais n'avait point parlé ; François n'avait fait que voir. Les témoins n’avaient ni vu, ni entendu la Sainte Vierge, mais ils avaient vu et entendu plusieurs choses :

  • Les branches du petit chêne vert indiqué par Lucie se ployer lorsque Notre-Dame arriva ;
  • Les réponses de Notre-Dame, incompréhensibles et qui ressemblait à un bourdonnement d’abeille ;
  • Le souffle d’une fusée d’artifice au moment où Notre-Dame partit ;
  • Un petit nuage s’élever doucement vers le levant et en même temps, les branches du chêne vert s’incliner vers le levant.

À eux seuls, ces signes montrent que les enfants ne mentaient pas. Car comment auraient-ils pu, en face d’une cinquantaine de personnes qui les observaient attentivement, faire ployer les branches du chêne vert, imiter un bourdonnement d’abeille, simuler un sifflement de fusée et créer un petit nuage se déplaçant vers l’est ? Et s’ils n’ont pas simulé ou provoqué ces phénomènes, comment ont-ils pu savoir à l’avance le jour et l’heure à auxquels ils se produiraient ?
Tous les assistants revinrent enthousiastes. Aussi, de cinquante, ils se retrouvèrent à presque 5 000 pour l’apparition suivante.

13 juillet 1917

Quelques jours avant l’apparition, le curé de Fatima ayant dit que ces phénomènes pouvaient venir du démon, Lucie eut quelques doutes et avait décidé de ne pas venir à la Cova da Iria. Mais quand approcha l’heure à laquelle elle devait partir, elle se sentit soudain poussée à y aller par une force étrange à laquelle il lui fut impossible de résister. Elle se mit alors en chemin et passa par la maison de son oncle pour voir si ses cousins étaient encore là. Elle trouva Jacinthe dans sa chambre avec son frère François, à genoux au pied du lit et pleurant.
— Alors, vous n’y allez pas ? demanda Lucie.
— Sans toi, nous n’osons pas y aller. Allons, viens !
— Eh bien j’y vais, leur répondit-elle.
Alors, le visage joyeux, ils partirent tous les trois.

Le long du chemin, les gens les attendaient nombreux, et c’est avec difficulté qu’ils parvinrent au lieu de l’apparition.
Mme Carreira s'était employée à aménager sommairement le lieu sanctifié par la céleste présence. Autour de l'arbuste, elle avait coupé au ras du sol les joncs et les bruyères ; elle avait écarté les pierres et en avait fait un petit mur d'enceinte qui protégeait le sol béni contre le piétinement des bêtes et des gens ; elle avait orné les branches du chêne vert avec quelques rubans de soie. Elle avait fait élever une sorte de portique composé de deux troncs d'arbre grossièrement équarris, surmontés par un troisième. Enfin, elle avait apporté quelques fleurs, les premières à embaumer ce sanctuaire primitif. Chose curieuse, elle qui était souffrante et qui, chez elle, ne trouvait pas la force de faire son ménage, à la Cova da Iria, elle prenait une vigueur nouvelle et se sentait une autre femme.
En arrivant, les voyants trouvèrent une foule nombreuse composée de personnes simplement curieuses ou déjà très croyantes. Les témoins de l’apparition précédente avaient fait une grande publicité et aujourd'hui ils étaient environ cinq mille. Mme dos Santos, la mère de Lucie, était venue incognito. M. Marto, le père de François et Jacinthe, avait suivi les enfants. Il s'efforça de s'approcher le plus près possible de l'arbre des apparitions. Autour de l'arbuste, la foule était si dense qu'il ne put plus avancer. Heureusement, certains le reconnurent et lui firent un passage : il arriva ainsi jusqu'à l'intérieur d'un cercle d'hommes qui protégeait les enfants.
Lucie commença le chapelet auquel tout le monde répondit. Il faisait très chaud et les gens se protégeaient contre le soleil avec des parapluies. Lucie dit alors :
— Fermez les parapluies ! Notre-Dame arrive.

La Sainte Vierge se présenta de la même manière, venant de l'est, précédée par un ‘éclair’ fulgurant et dans une auréole d'intense lumière.
Dès le début de l'apparition, les spectateurs remarquèrent une petite nuée blanchâtre agréable à voir, qui planait au-dessus du chêne vert ; ils virent le soleil s'assombrir et il y eut un abaissement sensible de la température. La luminosité changea et l’atmosphère devint jaune d’or. Un petit vent frais soulagea de la canicule. Et comme le mois précédent, les témoins les plus proches perçurent un léger murmure inintelligible. Voici ce que rapporta M. Marto :

Je vis comme un petit nuage cendré, qui planait sur le chêne vert. Le soleil s'obscurcit, et un souffle frais, agréable, se fit sentir. Il ne paraissait plus que nous étions au fort de l'été. La foule était tellement silencieuse qu'on en était impressionné. Alors je commençai à entendre un son, un bourdonnement, quelque chose comme le bruit que ferait une grosse mouche dans une cruche vide. Mais je n'entendais aucune parole. Rien !... (…) Mais qu'est ceci ? ne demandais-je à moi-même. Est-ce que cela vient de loin, ou d'ici tout près ?... Tout cela, pour moi, fut une grande confirmation du miracle.

La Sainte Vierge regarda Lucie, comme pour lui reprocher les doutes qu’elle avait eu quelques jours auparavant. En la voyant si belle et si douce, Lucie, honteuse, hésita à lui parler. Jacinthe l'encouragea. Alors, Lucie, sur un ton humble, lui dit.
— Que veut de moi votre Grâce ?
— Je veux que vous veniez ici le 13 du mois qui vient, que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours en l’honneur de Notre Dame du Rosaire, pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre, parce qu’Elle seule peut les obtenir.
— Je voudrais vous demander de nous dire qui Vous êtes, et de faire un miracle afin que tous croient que votre Grâce nous apparait.
— Continuez à venir ici tous les mois. En octobre, Je dirai qui Je suis, ce que Je veux et Je ferai un miracle que tous pourront voir pour croire.
Ici, Lucie fit quelques demandes dont elle n’a pas gardé le souvenir. Notre Dame lui répondit qu’il était nécessaire de dire le chapelet afin d’obtenir ces grâces dans l’année. Et elle continua :
— Sacrifiez-vous pour les pécheurs, et dites souvent, spécialement lorsque vous ferez un sacrifice : « Ô Jésus, c’est par amour pour vous, pour la conversion des pécheurs, et en réparation des péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie ».

En disant ces dernières paroles, Elle ouvrit les mains, comme les deux fois précédentes. Le reflet émanant de ses mains parut pénétrer la terre. Voici comment Lucie décrivit la scène :

Nous vîmes comme un océan de feu, et plongés dans ce feu, les démons et les âmes, comme s’ils étaient des braises, transparentes et noires, ou bronzées, ayant des formes humaines. Elles flottaient dans l’incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes avec des nuages de fumée, tombant de tous côtés, semblables à la retombée des étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, avec des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de peur. (Ce fut sans doute à cette vue que j’ai dû pousser ce cri Aie... que l’on dit avoir entendu).

M. Marto qui était tout près raconta ensuite : « Elle manifesta une vive émotion. Son visage devint livide, et nous l'entendîmes crier : « Ah, Notre-Dame ! Ah, Notre-Dame ! »

Les démons se distinguaient par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme des charbons noirs embrasés.
Effrayés, comme pour demander secours, nous avons levé les yeux vers Notre Dame qui nous dit avec bonté et tristesse :
— Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Afin de les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Si vous faites ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes seront sauvées et l’on aura la paix. La guerre va finir. Mais, si on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI, il en commencera une autre pire. Lorsque vous verrez une nuit éclairée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’Il va punir le monde de ses crimes par le moyen de la guerre, de la famine et de persécutions contre l’Église et le Saint-Père.
Pour l’empêcher, Je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la Communion réparatrice des premiers samedis. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties [‘aniquiladas’ en portugais, c’est-à-dire ‘supprimées’]
À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera accordé au monde un certain temps de paix. Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi, etc.

Ici prend place une partie que Lucie ne mit par écrit qu’en janvier 1944. Elle la mit dans une enveloppe qu’elle cacheta à la cire. Elle fit remettre cette enveloppe en main propre à son évêque le 17 juin 1944.
La Sainte Vierge poursuivit :
— Ceci, ne le dites à personne. À François, oui, vous pouvez le dire. Lorsque vous réciterez le chapelet, dites après chaque mystère : « Ô mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer ; conduisiez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin ».
Après un petit moment de silence, Lucie demanda :
— Votre Grâce ne me demande rien de plus ?
— Non. Aujourd’hui je ne te demande rien de plus.

La Sainte Vierge commença alors à s’élever en direction du levant jusqu’au moment où elle disparut dans l’immensité du firmament. Lucie, qui était à genoux, se leva et s’écria :
— Elle s'en va !
Il y eut alors une sorte de coup de tonnerre et le portique élevé par Mme Carreira trembla comme s’il y avait un tremblement de terre. Quelques instants après, Lucie dit :
— On ne la voit plus !
Si, comme lors de l’apparition précédente, les témoins n’avaient pas vu la Sainte Vierge, ils avaient observé les mêmes phénomènes que le 13 juin, à ceci près que la fin de l’apparition fut ponctuée non pas par un bruit ressemblant au sifflement d’une fusée d’artifice, mais par un véritable coup de tonnerre et un tremblement du sol. Là encore, tous ces signes en présence de plusieurs milliers personnes sont une preuve supplémentaire que les petits voyants ne mentaient pas. Car comment trois enfants sans instruction auraient-ils pu simuler un coup de tonnerre et un tremblement de terre ? C’est pourquoi, les témoins furent encore plus nombreux à l’apparition suivante.

13 et 19 août 1917

Les journaux, pour une bonne part anticléricaux, contribuèrent à faire largement connaître dans tout le Portugal les faits survenus à Fatima. Cette publicité eut pour conséquence une augmentation considérable des personnes qui vinrent le 13 août à la Cova de Iria.
Dès la veille au soir, il venait des gens de partout. Tout le monde voulait voir les trois enfants, les questionner, leur confier des demandes pour la Sainte Vierge. Le matin, on vit même arriver l’administrateur de Vila Nova de Ourem dont dépendait Fatima, Artur de Oliveira Santos, franc-maçon notaire surnommé le Ferblantier, car il tenait une petite ferblanterie qu’il avait appelé La ferblanterie du progrès.

Nota : Il n'y a pas à proprement parler de maire au Portugal. Chaque paroisse possède seulement une assemblée de notables, la ‘Junta’, parmi lesquels il y a un ‘regedor’, chargé de l'état civil et de la police de la localité. L’essentiel de l’administration est assuré par un administrateur, comparable à un sous-préfet.

Le matin du 13 août, l’administrateur se rendit donc à la maison des Marto où il ne trouva que Mme Marto, désagréablement surprise par cette visite aussi inattendue que suspecte. Il demanda à voir les enfants pour les interroger. Florida, une sœur de Jacinthe, courut pour prévenir son père qui était parti aux champs, que l’administrateur le demandait à la maison. En arrivant, M. Marto trouva l’administrateur en train de parler avec le curé de Porto de Mos qu'il avait amené dans sa voiture. Il affectait la bienveillance :
— Moi aussi, je veux voir le miracle... Voir et croire comme saint Thomas, voilà ce que je veux.
François et Jacinthe étaient avec leurs brebis. On avait envoyé quelqu’un les chercher, mais l'administrateur se plaignit qu’ils n'arrivaient pas assez vite.
— On ne voit pas les petits ?... L'heure avance. Il vaudrait mieux les faire appeler.
— Ce n'est pas nécessaire, dit M. Marto. Ils savent bien quand ils doivent ramener les brebis, et venir se préparer pour partir.
Là-dessus, François et Jacinthe arrivèrent puis, peu après, Lucie accompagnée de son père. L’administrateur interrogea les trois petits bergers et fit de nouvelles tentatives pour les obliger à révéler le secret et à promettre de ne plus retourner à la Cova da Iria. Comme il n’obtenait rien, il proposa alors de conduire les trois enfants en voiture jusqu'aux lieu des apparitions. Parents et enfants refusèrent, car on avait largement le temps d’y aller à pied. Il insista :
— Cela vaut mieux ! Nous arriverons là en un instant, et personne ne nous gênera sur le chemin.
— Ne vous dérangez pas pour cela, Mr. l'Administrateur ! dit M. Marto. Ils vont bien y aller tout seuls.
— Alors, allons à Fatima, chez Mr. le Curé ! Je voudrais leur poser là quelques questions devant lui.

Accompagnés par les deux pères, Lucie et ses cousins se rendirent donc au presbytère. Dès qu’ils furent arrivés sur le perron du presbytère, l’administrateur cria :
— Que la première vienne !
— La première ? Laquelle ? dit M. Marto, qui pressentait quelque chose de ce qui allait arriver. Lucie ! insista-t-il, avec arrogance. Va, Lucie !
Lucie entra et se trouva en présence non seulement de l'administrateur et du curé, l'abbé Ferreira, mais aussi de M. le doyen de Torres Novas et de M. le curé de Porto de Mos. L’abbé Ferreira lui posa alors quelques questions :
— Qui t'a appris à dire les choses que tu racontes ?
— C'est cette Dame que j'ai vue à la Cova da Iria.
— Ceux qui répandent de pareils mensonges, qui font tant de mal, comme ce mensonge que vous avez dit, seront jugés et iront en enfer, s'ils ne disent pas la vérité.
— Si ceux qui mentent vont en enfer, alors je n'irai pas en enfer, parce que je ne mens pas, et que je dis seulement ce que j'ai vu, et ce que la Dame m'a dit. Et quant au peuple qui va là, il y va parce qu'il le veut bien. Nous n'appelons personne.
— Est-ce vrai que cette Dame vous a confié un secret ?
— Oui, mais je ne peux pas le dire. Si Mr. le Curé veut le savoir, je demanderai cela à la Dame, et si elle m'en donne l'autorisation, je le lui dirai.
— Je ne mens pas ; je dis seulement ce que cette Dame m'a dit. Quant au peuple qui va là-bas, ce n'est pas nous qui l'y invitons.
— Est-ce vrai que cette Dame t'a confié un secret ?
— Oui, Mais je ne puis pas le dire. Si votre Révérence veut le connaître, je vais le demander tout à l'heure à la Dame et si Elle m'en donne la permission, je vous le dirai.
Après cet interrogatoire, c’était au tour de François et Jacinthe d’être interrogé ; mais l’administrateur déclara :
— Je n'ai plus besoin de rien. Ils peuvent s'en aller ! Ou plutôt, allons tous ensemble à la Cova da Iria, parce qu'il est déjà tard ! Ce sont là des choses surnaturelles... Allons, partons !

Puis se levant, il sortit et descendit vers sa voiture. Les enfants descendirent derrière lui. La voiture de l’administrateur était venue se placer juste au pied de l'escalier. À ce moment, l’administrateur obligea les petits à monter avec lui, car l'heure pressait et il serait plus facile d'avancer en voiture à travers la foule. François se mit devant, Lucie et Jacinthe derrière. Le cheval partit en trottant en direction de la Cova da Iria, mais, en arrivant sur la route, il changea brusquement de direction, et partit au galop, à droite en direction de Vila Nova de Ourem.
— Ce n'est pas de ce côté, dit Lucie.
— Nous allons à Ourem, répondit l’administrateur, chez M. le Curé qui veut vous interroger. De là, nous reviendrons en automobile pour être à temps à la Cova da Irai.
Sur le chemin, des gens reconnurent la voiture de l'administrateur et ses passagers et se mirent à lui lancer des pierres. Celui-ci enveloppa alors les enfants dans une couverture, pour les dissimuler aux yeux des pèlerins qui se dirigeaient vers Fatima.
Environ une heure plus tard, ils arrivaient à Vila Nova de Ourem. Les enfants insistèrent pour être conduits immédiatement chez M. le Curé, mais l’administrateur leur répondit qu’ils devaient d’abord manger. Puis il les fit enfermer dans une chambre et leur déclara qu'ils n'en sortiraient qu'après avoir révélé le secret. Demeurés seuls, les enfants ne pensaient plus qu'à la vision de la belle Dame qui, sans doute à ce moment, les attendait à la Cova da Iria. L'heure de l'apparition passa. Prenant peu à peu conscience de la situation, ils furent consternés d'avoir manqué le rendez-vous de la céleste Visiteuse.
 La femme de l'administrateur vint alors les chercher pour leur servir un bon déjeuner et les laissa ensuite jouer avec ses propres enfants. Un peu plus tard, elle leur rêta des livres d'images pour se distraire. Avec délicatesse, elle s'efforça d'adoucir et de rendre supportable la réclusion forcée que son mari imposait sans pitié à ces petits campagnards.

À la Cova da Iria

Pendant ce temps, à la Cova da Iria, la foule, évaluée entre quinze et dix-huit mille personnes, attendait avec impatience les enfants. Tous les chemins et les champs étaient submergés par des milliers de véhicules de toute sorte : des chevaux, des ânes, des mulets, des bicyclettes. Tous ces gens étaient en grande partie des pèlerins pieux plutôt que des curieux. Entassés autour du chêne vert, ils occupaient la longue attente en disant le chapelet ou en chantant des cantiques.
À mesure que midi approchait, on s'inquiéta de voir que les enfants n’arrivaient pas. Bientôt, le bruit se répandit qu'ils ne pourraient pas venir parce qu'ils avaient été emmenés à Vila Nova de Ourem par l’administrateur. Ce fut une explosion de colère. Certains parlèrent d'aller à Ourem demander des comptes à l'administrateur. D’autres ayant vu la voiture partir du presbytère pensèrent que M. le curé était complice et proposèrent d’aller à la cure où il était plus facile de se rendre que d’aller à Ourem situé à trois heures de marche.

C’est alors que retentit un formidable coup de tonnerre qui ébranla le ciel pur. Effrayés et croyant à une bombe, beaucoup s'enfuirent. Il y eut des cris d'affolement et même des évanouissements. Un grand éclair comme celui qui avait annoncé l'arrivée de la Dame les fois précédentes remplit alors l'atmosphère.
Soudain, retentit un coup de tonnerre semblable à celui de l’apparition précédente. Tout le monde se tut, effrayé, croyant qu’une bombe avait explosé ; quelques-uns se mirent à crier qu'on allait mourir. La foule commença à se disperser en s'éloignant du chêne vert... Au coup de tonnerre, succéda un éclair semblable à celui de l’apparition précédente.
Aussitôt après, au-dessus du chêne vert se forma un très joli petit nuage, de couleur blanche, très léger. En même temps, en regardant alors autour d’eux, tous observèrent une chose étrange : les visages des gens avaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel : rose, rouge, bleu... Les arbres ne paraissaient pas avoir des rameaux et des feuilles, mais des fleurs. Le sol était comme recouvert de carreaux de couleurs différentes. Les vêtements aussi étaient de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Les deux lanternes attachées à l'arceau paraissaient être en or.
Le petit nuage au-dessus du chêne vert resta environ une dizaine de minutes, puis s'éleva dans les airs avant de se dissiper.
— Certainement Notre-Dame est venue, disait-on... Quel dommage qu'elle n'ait pas rencontré les enfants !

Une fois de plus, les signes observés par les 18 000 témoins ne peuvent tromper. Tout d’abord, que le coup de tonnerre se soit produit AVANT l’éclair montre que ce n’était pas un phénomène naturel. En effet, le son se propageant beaucoup moins vite que la lumière, en temps normal, on voit la lumière de l’éclair avant d’entendre le bruit du tonnerre. Dans le cas présent, l’ensemble des témoins rapporta qu’ils entendirent le tonnerre avant de voir l’éclair.
S’ils n’entendirent pas le « bourdonnement d’une abeille » puisque Notre-Dame ne parla, à la place, ils eurent droit à un spectacle extraordinaire : l’atmosphère teinté de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Or qui aurait pu simuler une telle illumination alors que l’endroit était submergé de personnes, dont certaines hostiles aux apparitions ?
Enfin, cette apparition est proprement exceptionnelle, car dans toute l’histoire de l’humanité, c’est la seule apparition qui eut lieu SANS voyant, si l’on peut dire.

Le 19 août

Après les avoir retenus deux jours, l’administrateur fit reconduire les trois petits prisonniers chez leurs parents, le 15 août. Le dimanche suivant, c’est-à-dire le 19 août, après la messe paroissiale, ils allèrent réciter le chapelet à la Cova da Iria. D'autres personnes se joignirent à eux, parmi lesquelles Teresa, une sœur de Lucie, et son mari, ainsi que Mr. Alves, du hameau de Moita. Ce dernier, la prière finie, retint les trois enfants à déjeuner chez lui. Après le déjeuner, Lucie rentra vite chez elle, en compagnie de François et Jacinthe, afin de s’occuper des brebis. Mais Mme Marto retint Jacinthe pour la peigner et demanda à Jean, un frère de Jacinthe, d’y aller à sa place. Les trois enfants, c'est-à-dire, Lucie, François et Jean, partirent alors avec les brebis. Comme il était déjà tard, ils allèrent vers le terrain de pâture le plus proche d'Aljustrel, les « Valinhos », qui appartenait à un oncle de Lucie.

Vers quatre heures de l'après-midi, Lucie commença à remarquer des changements dans l'atmosphère identiques à ceux qui précédaient les apparitions de Notre Dame à la Cova da Iria : un rafraîchissement subit de la température, une diminution de la lumière solaire, enfin l'éclair caractéristique.

Lucie, Jean et François ne furent pas les seuls à observer ces phénomènes. En effet, au même moment, Teresa revenait de Moita avec son mari. Ils allaient entrer dans Fatima quand ils remarquèrent que l'air se rafraîchissait ; le soleil prit une couleur jaune, teintant tout de couleurs variées, comme cela était arrivé quatre jours auparavant à la Cova da Iria.
— Oh ! qu'est ceci ? dit-elle. Il y a là quelque mystère ! Est-ce que nous sommes tous illusionnés ?
— Quoi donc ? demanda son mari.
— Eh bien, tu ne vois pas que tout est comme le 13 ?
Lorsqu’ils arrivèrent à l'église, tout était fini.

Pendant ce temps, Lucie s’inquiétait :
— Notre-Dame va venir. Et Jacinthe qui n'est pas là !
Elle cria alors à Jean :
— Oh, Jean ! va vite chercher Jacinthe ! Notre-Dame va venir. 
Mais le petit garçon n'était pas disposé à y aller. Lui aussi, il voulait voir la Vierge.
— Va ! Va vite ! insista Lucie. Je te donne deux ‘vinténs’ si tu me ramènes Jacinthe !... En voilà déjà un, et je te donnerai l'autre quand tu reviendras.
Jean mit la pièce dans sa poche et partit à toute vitesse. En cinq minutes, il fut à la porte de la maison de ses parents.
— Maman, dit-il en arrivant, Lucie m'envoie dire qu'elle voudrait Jacinthe.
— Quoi ?... Il n'y en a pas assez de trois pour s'amuser ? répliqua Mme Marto, mécontente... Le curé ne peut se passer du sacristain ?
— Laissez-la venir, Maman !... Il faut qu'elle vienne !
— Et pourquoi ?... Me le diras-tu ?
— Voyez ! Lucie m'a même donné un ‘vintém’ pour que je l'amène.
Mme Marto était de plus en plus intriguée :
— Un ‘vintém’ ? Eh bien, maintenant, je veux savoir pourquoi Lucie tient tant à ce que Jacinthe vienne !
Jean, trépignant d'impatience, avoua :
— C'est parce que Lucie a vu dans le ciel les signes que Notre Dame va apparaître et elle voudrait que Jacinthe soit là le plus vite possible !
— Eh bien, à la grâce de Dieu !... Jacinthe est chez sa marraine.
Jean partit à toute vitesse. À la maison de la marraine, il parla à l'oreille de Jacinthe et, en deux mots, la mit au courant. Ils se rendirent alors en courant aux ‘Valinhos’.

Au moment où Jacinthe arriva avec son frère Jean, un deuxième éclair succéda au premier. Quelques instants après, la lumineuse apparition se montra au-dessus d'un chêne vert, un peu plus élevé que celui de la Cova da Iria.
— Que veut de moi votre Grâce ? demanda Lucie.
— Je veux que vous continuiez à aller à la Cova da Iria le 13, que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours. Le dernier mois, je ferai le miracle afin que tous croient. Si on ne vous avait pas emmenés à la ville, le miracle aurait été plus connu. Saint Joseph viendra avec l'Enfant Jésus pour donner la paix au monde. Notre Seigneur viendra aussi pour bénir le peuple. Viendra aussi Notre-Dame du Rosaire avec un petit ange de chaque côté. Viendra aussi Notre-Dame des Douleurs avec un arc de fleurs tout autour.
— Que voulez-vous que l’on fasse de l’argent que les gens laissent à la Cova da Iria ?
— Faites deux brancards. Tu porteras l’un avec Jacinthe et deux autres petites filles habillées de blanc ; l’autre, que François le porte avec trois autres petits garçons, vêtus comme lui d’une aube blanche. L’argent des brancards est pour la fête de Notre Dame du Rosaire, et ce qui restera sera pour aider à construire une chapelle que l’on fera faire.
— Je voudrais vous demander la guérison de quelques malades.
— Oui, j’en guérirai certains dans l’année.
Et, prenant un air plus triste :
— Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup d’âmes vont en enfer parce qu’elles n’ont personne qui se sacrifie et prie pour elles.
Puis, comme les fois précédentes, elle s’éleva doucement en direction du levant et disparut.

Jean eut beau faire tous ses effort pour ouvrir bien grands les yeux : il ne vit rien excepté la modification de la couleur de la lumière solaire.
Cette fois, les enfants se permirent de cueillir un rameau du chêne vert sur lequel s'étaient posés les pieds de la Sainte Vierge. François et Jacinthe laissèrent alors à Lucie et Jean le soin du troupeau, et revinrent à Aljustrel pour communiquer la bonne nouvelle à leurs parents. Ils tenaient à la main le précieux rameau de chêne vert, souvenir de l'apparition. En entrant dans le hameau, ils trouvèrent à la porte de la maison de Lucie, Mme dos Santos, sa fille, Maria dos Anjos, et d'autres personnes. Tout émue, Jacinthe dit à sa tante :
— Oh, ma Tante ! Nous avons vu encore une fois Notre-Dame aux ‘Valinhos’ !
— Ah, Jacinthe !... Vous serez donc toujours des menteurs ! Est-ce que Notre-Dame va maintenant vous apparaître partout où vous allez ?
— Mais si ! Nous l'avons vue !... Regardez, tante. Elle avait un pied sur ce rameau-ci et l'autre sur celui-là.
— Donne !... Montre-le-moi !
Jacinthe remit le rameau à sa tante qui le porta à son nez.
— Mais quelle est cette odeur ? dit-elle.
Tout en continuant à le sentir, elle s'étonna :
— Ce n'est pas du parfum... ni de l'encens... ni de la savonnette... Cela sent la rose. Non, ce n'est pas encore cela, ni rien de ce que je connais !... Mais quelle bonne odeur !
Tous voulurent sentir le rameau et trouvèrent l'odeur très agréable. Mme dos Santos rentra alors chez elle et posa le rameau sur une table en disant :
— Je le laisse là. Je trouverai bien quelqu'un qui saura me dire quelle est cette odeur.
Mais dès que sa tante eut repris ses occupations domestiques, Jacinthe rentra furtivement dans la maison et emporta le rameau pour le montrer à ses parents.

M. Marto n’apprit la nouvelle que le soir en rentrant des champs. Jacinthe arriva, toute joyeuse, avec le rameau à la main, et lui dit :
— Oh, Papa ! Notre-Darne nous est apparue de nouveau aux ‘Valinhos’.
Au moment où elle entrait, il sentit un parfum extraordinaire qu’il ne connaissait pas. Avançant la main vers le rameau, il dit :
— Qu'est-ce que tu apportes là ?
— C'est le rameau sur lequel Notre-Dame a posé les pieds.
Il voulut le sentir, mais le parfum avait disparu.

Le soir, Mme Marto interrogea Jean qui avoua qu'il avait eu beau ouvrir les yeux, il n'avait rien vu. Il avait seulement entendu comme le départ d'une fusée d'artifice quand Lucie, après avoir parlé avec Notre-Dame, dit à Jacinthe : « Vois !... Notre-Dame s'en va ! »
Comme à la Cova da Iria, seuls Lucie, François et Jacinthe avaient vu la céleste Dame.

13 septembre 1917

Dès l'aube du 13 septembre, tous les chemins des environs de Fatima commencèrent à se remplir de monde. Les maisons des voyants étaient tellement envahies qu'il était impossible d'aller d'une chambre à l'autre. Tout le monde voulait voir les enfants, leur parler, leur confier des intentions, leur exposer des misères, des nécessités, des préoccupations. Ce ne fut qu'avec peine que les trois petits bergers arrivèrent à se mettre en route pour la Cova da Iria.
Ils s’y rendirent au milieu d’une foule compacte qui les laissait à peine avancer. Tous voulaient les voir et leur parler. Beaucoup de personnes simples ou de la haute société fendaient la foule qui se pressait autour d’eux et, sans aucun respect humain, venaient se mettre à genoux devant eux, leur demandant de présenter leurs intentions à Notre Dame. Ceux qui n'arrivaient pas à s'approcher d’eux criaient de loin : — Pour l'amour de Dieu, demandez à Notre Dame de guérir mon fils estropié ! — Qu'elle guérisse le mien qui est aveugle ! — Le mien, qui est sourd ! — Qu'elle me ramène mon mari qui est à la guerre ! — Qu'elle convertisse un pécheur ! — Qu'elle me rende la santé, à moi qui suis tuberculeux !...
Il y avait là toutes les misères de la pauvre humanité. Les petits bergers répondaient comme ils pouvaient aux uns et aux autres, ne réussissant à arriver près du chêne vert que grâce à quelques hommes qui leur frayèrent un passage à travers la foule. Le petit vallon était noir de monde. Il y avait entre vingt-cinq et trente mille personnes bien que ce fut la pleine période des vendanges.

Pour la première fois, il y avait quelques prêtres, parmi lesquels Mgr Jean Quaresma qui fut un peu plus tard vicaire général du diocèse de Leiria et membre de la commission d'enquête canonique sur les apparitions, ainsi qu’une trentaine de séminaristes qui se trouvaient, en ce moment, en vacances.
Lucie, comme de coutume, commença à réciter le chapelet. Tous se mirent à genoux pour lui répondre. À midi, exactement, le soleil radieux commença à perdre son éclat, au point que certains attestèrent avoir vu des étoiles, et l'atmosphère, comme aux précédentes apparitions, prit une teinte jaune d'or.
Tout à coup, Lucie s'interrompit et s'écria radieuse :
— La voilà !... Je la vois !...
Presque en même temps, de l’immense foule s'élevèrent des cris de joie. Des milliers de bras se tendirent vers le Ciel.
— Regardez ! Là-bas !... Là !... Ne voyez-vous pas ? ... Que c'est beau !...
Dans le ciel bleu, pas un nuage ! Mais, à la vue des milliers de témoins, un ovale lumineux se déplaça d'est en ouest, glissant avec lenteur et majesté à travers l'espace et dégageant une lumière éclatante et agréable à voir. Lorsqu'il arriva à la hauteur du lieu des apparitions, il disparut.

Au même moment, Notre Dame apparut aux trois enfants, au-dessus du petit chêne vert.
— Que veut de moi votre Grâce ? demanda Lucie.
— Continuez à réciter le chapelet tous les jours pour obtenir la fin de la guerre. En octobre, viendront aussi Notre Seigneur, Notre-Dame des Douleurs et Notre-Dame du Carmel et saint Joseph avec l'Enfant Jésus, pour bénir le monde. Dieu est content de vos sacrifices, mais Il ne veut pas que vous dormiez avec la corde. Portez-la seulement pendant le jour.
Dès ce moment, outre la diminution de la lumière du soleil, les modifications de la couleur du jour, le rafraichissement subit de l’atmosphère et l'apparition du globe lumineux, les témoins purent observer un nouveau phénomène extraordinaire : une nuée blanche, perceptible même de l'extrémité du vallon, enveloppa le chêne vert et le groupe des voyants ; puis, du ciel, se mit à tomber quelque chose qui ressemblait à des pétales de fleur blancs ou de gros flocons de neige qui s'évanouissaient à une certaine hauteur avant d’arriver au sol.
Lucie pendant ce temps continua à parler avec la belle Dame.
— On m'a priée de vous demander beaucoup de choses : la guérison de quelques malades, d’un sourd-muet... Vous ne voulez pas les guérir ?
— Oui, dit la Vierge, j'en guérirai quelques-uns ; les autres, non.
— Le peuple voudrait bien avoir ici une chapelle.
— Avec la moitié de l'argent reçu jusqu’à ce jour, que l’on fasse les brancards de procession et qu’on les porte à la fête de Notre-Dame du Rosaire ; que l’autre moitié soit pour aider à la chapelle.
Lucie lui présenta alors deux lettres et une petite bouteille en verre contenant de l'eau parfumée que lui avaient données un homme de la paroisse d'Olival, et lui dit :
— On m’a donné cela pour vous. Votre Grâce les veut-elle ?
— Ces choses-là ne conviennent pas pour le Ciel, répondit la Sainte Vierge.
Puis Notre Dame ajouta :
— En octobre je ferai le miracle pour que tous croient.

Après ces dernières paroles, la blanche vision s'éleva vers le ciel. Les mystérieux flocons cessèrent de tomber ; la belle nuée blanche s'évanouit ; le soleil retrouva son éclat et sa couleur habituels. Lucie cria alors à la foule : « Si vous voulez la voir, regardez par-là ! » Et elle indiqua le levant. Tous les yeux se tournèrent dans la direction indiquée, et beaucoup purent remarquer le même globe lumineux remontant dans l'azur de la Cova da Iria, dans la direction d'où il était venu, comme s’il reconduisait la Reine des Anges à sa demeure céleste.
Tous les témoins pensèrent que ce globe servait de ‘véhicule’ à la Mère de Dieu, pour la porter du Ciel à la Cova da Iria et l’y ramener. Le peuple portugais l'appelait : l'« aéroplane de lumière » de Notre-Dame.
Après quelques instants d'intense émotion, les pèlerins se précipitèrent sur les enfants, pour les presser de questions. Ce ne fut qu'avec peine que leurs parents parvinrent à les ramener chez eux. Mais leurs maisons furent de nouveau assaillies par la foule. Les interrogatoires ne cessèrent de pleuvoir, jusqu'au moment où la nuit vint rendre la tranquillité au petit hameau d'Aljustrel.

Les phénomènes observés ce jour-là furent encore plus nombreux et merveilleux que lors des apparitions précédentes. Mais ce qui fut tout aussi extraordinaire, ce fut l’inégalité des assistants devant ces phénomènes. Certains qui voulaient voir à tout prix ne virent rien. D’autres, en particulier les sceptiques, ne voulaient rien voir et virent malgré eux.
Mgr. Jean Quaresma, dans une lettre écrite plus tard à Mgr. Manuel do Carmo Gois, qui avait assisté avec lui aux apparitions du 13 septembre, décrivit minutieusement les événements de cette journée :

Voilà quinze ans qu'ont eu lieu les évènements extraordinaires de Fatima... Par un beau matin de septembre 1917, nous quittâmes Leiria, dans une voiture tirée lentement par un vieux cheval, pour nous rendre au lieu des apparitions, alors si discutées. C'est vous, mon cher abbé Gois, qui vous mîtes en quête d'un point dominant le vaste amphithéâtre de la Cova da Iria, d'où nous pourrions tout voir facilement, sans trop nous approcher du lieu où les petits bergers priaient, en attendant la céleste Apparition... À midi (heure solaire) le silence se fit dans la foule. On n'entendait plus que le murmure des prières. Subitement, des cris de joie retentissent... des bras s'élèvent, et montrent quelque chose dans le ciel. « Regardez !... Vous ne voyez pas ? — Si, je vois !... » La satisfaction brille dans les yeux de ceux qui voient. Le ciel est bleu, sans aucun nuage. Je lève aussi les yeux, et je me mets à scruter l'immensité du firmament pour voir ce que d'autres yeux, plus heureux que les miens, ont déjà contemplé. Vous voilà à regarder, vous aussi ? me dites-vous... À mon grand étonnement, je vois alors clairement et distinctement un globe lumineux se déplaçant du levant vers le couchant et glissant lentement et majestueusement dans l'espace. Vous regardez alors vous aussi, cher ami, et vous avez le bonheur de jouir, à votre tour, de la même apparition inespérée et émouvante... quand, soudain, le globe, avec sa lumière extraordinaire, disparaît à nos yeux. Près de nous, se trouve une petite fille, habillée comme Lucie, et à peu près du même âge. Toute joyeuse, elle continue à crier : « Je le vois encore... Je le vois encore... Maintenant il descend ! » Au bout de quelques minutes, exactement le temps que durait habituellement les apparitions, la petite recommence à s'écrier, en montrant le ciel : « Il remonte maintenant de nouveau ! » Et elle continue à suivre des yeux le globe lumineux, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans la direction du soleil.
« Que pensez-vous de ce globe ? vous demandai-je alors, mon cher ami. » Vous paraissiez enthousiasmé de ce que nous avions vu. Vous me répondez alors, sans hésiter : « C'était Notre Dame qui venait ! » Telle était bien aussi ma conviction. Les petits bergers avaient vu la Mère de Dieu elle-même. À nous, il nous avait été donné de voir comme le véhicule qui l'avait transportée du Ciel jusqu'à la lande inhospitalière de la Serra de Aire.
La plupart des gens qui étaient là avaient observé la même chose que nous. De toute part, en effet, on entendait des cris de joie et des louanges à Notre-Dame. Certains, cependant, n'avaient rien vu. Près de nous une pieuse et simple femme, pleurait amèrement parce qu'elle n'avait rien vu.
Nous nous sentions vraiment heureux. Avec quel enthousiasme, mon cher collègue, vous alliez de groupe en groupe, de la Cova da Iria jusqu'à la route, vous informant de ce qu'on avait vu ! Les personnes interrogées appartenaient à toutes les classes sociales. Toutes affirmaient avec ensemble la réalité du phénomène que nous avions nous-mêmes observé.
Nous rentrâmes chez nous, très satisfaits de notre pèlerinage, et avec la ferme intention de revenir, le 13 octobre, comme Lucie nous y invitait, pour fortifier notre foi dans les apparitions de Notre Dame.

Tous ces faits, rapportés par Mgr Quaresma, furent également observés et rapportés par des milliers de personnes. Une fois de plus, ils montrent que ces phénomènes ne peuvent avoir une origine humaine et que les petits voyants ne mentaient pas.

13 octobre 1917

Le 13 octobre, à Fatima, le jour se leva, froid, maussade et pluvieux. Venant des villages voisins ou des villes les plus éloignées, le nombre des pèlerins augmentait sans cesse. Les journaux de la capitale avaient envoyé leurs meilleurs reporters. La pluie ne cessa de tomber à verse toute la matinée. La Cova da Iria, sous le piétinement de cette mer humaine, s'était transformée en un immense bourbier. Pèlerins et curieux étaient trempés jusqu'aux os. Mais nul ne pensait à repartir. Vers onze heures et demie, il y avait plus de cinquante mille personnes. Certaines évaluations dépassent le chiffre de soixante-dix mille. M. Almeida Garrett, professeur à l'Université de Coïmbra, estima même la foule à plus de cent mille personnes.
Lucie eut la grande joie de voir son père et sa mère l'accompagner ce jour-là à la Cova da Iria. En effet, le bruit courait que les autorités avaient décidé de faire exploser une bombe à côté des enfants, au moment de l'apparition. Ceux-ci n'en concevaient pas la moindre crainte ; au contraire, ils disaient :
— Tant mieux, si la grâce nous était accordée de monter d'ici avec Notre-Dame, dans le Ciel !
Les parents, eux, n'étaient pas aussi imperturbables. C'est pour cela que, cette fois, Antonio et Maria-Rosa dos Santos avaient voulu accompagner leur fille.
— Si Lucie doit mourir, nous mourrons avec elle, avaient-ils déclaré.

Autour d'eux, le flot des gens était incroyablement dense. Les chemins n'étaient que boue gluante, mais cela n'empêchait pas les femmes, et même des dames, de se mettre à genoux devant les enfants. Tous étaient si avides de les voir que ceux-ci auraient été écrasés sans le dévouement de quelques messieurs qui leur firent une garde du corps. Malgré cela, les remous de la foule étaient si violents que Jacinthe se mit à pleurer. Lucie la consola, l'assurant que personne ne lui ferait du mal. Lorsqu'un chauffeur la prit dans ses bras pour la porter jusqu'auprès de l'arbuste, elle supplia qu'au moins on ne la sépara pas de son père.
Parmi tout ce monde, il n'y avait pas que des dévots. Comme aux apparitions précédentes, et plus encore cette fois-ci, il y avait une bonne proportion de curieux, d'incroyants, d'athées, venus uniquement pour se moquer et pour rire d'une crédulité si naïve. Bien à l'abri à l'intérieur de confortables voitures, ils contemplaient avec compassion toute cette foule qui s'était exposée gratuitement à tant de sacrifices.
Les petits bergers arrivèrent enfin devant le petit chêne vert dont il ne restait plus que le tronc déchiqueté, mais que des mains pieuses avaient orné de rubans et de fleurs pour recevoir les pieds de la Dame du Ciel. La pluie tombait toujours. Tout le monde était trempé jusqu'aux os. Voici comment le journal O Dia décriva la scène :

Toute la nuit, toute la matinée, il tomba une pluie fine, persistante, qui humectait les champs, attristait la terre et pénétrait, de son humidité froide, les femmes et les enfants, les hommes et les animaux, qui s'avançaient sur les routes boueuses, à pas pressés, vers la lande du miracle.
La pluie tombait, tombait, avec une douce obstination. Les jupes d'étamine ou de grosse laine ruisselaient d'eau, et devenaient pesantes comme du plomb. Les bonnets de laine et les larges chapeaux des hommes laissaient dégoutter l'eau sur les vestes du dimanche. Les pieds nus des femmes et les souliers ferrés des hommes pataugeaient dans les larges flaques des chemins bourbeux. Mais la pluie semblait ne pas mouiller ; tous ces gens ne paraissaient pas la sentir. Ils s'avançaient sur le chemin montant, illuminés par la foi, dans l'attente du miracle que Notre Dame avait promis, pour le 13 à midi, heure du soleil, à trois petits enfants à l'âme simple et pure, qui gardaient les brebis...
Un murmure descendait des collines environnantes, murmure qui ressemblait à la voix lointaine de l'océan... C'étaient les cantiques entonnés par des milliers de voix ! Sur le plateau, s'étendait une large tache mouvante, composée de milliers et de milliers de créatures de Dieu, de milliers et de milliers d'âmes en prière ! Les mains se levaient, les yeux fixaient le ciel Une foi ardente avait amené là ces âmes croyantes. Ils venaient demander à Dieu le miracle, lui demander la rémission de leurs péchés, lui demander de les bénir au milieu des amertumes de la vie !

À mesure que midi approchait, tous les yeux se tournaient vers le lieu des apparitions indiqué par le portique de Mme Carreira. On récita le chapelet ; entre les dizaines, on chantait des cantiques et l'écho des collines répétait et amplifiait l'immense voix suppliante qui, de la Cova da Iria, montait vers le Ciel.
Près du lieu des apparitions, il y avait un prêtre qui avait passé là toute la nuit et qui disait son bréviaire. Lorsque les enfants arrivèrent, l'abbé leur demanda à quelle heure Notre-Dame allait venir :
— À midi, lui répondit Lucie.
Le prêtre tira sa montre, et dit :
— Voyez, il est déjà midi !
— Notre-Dame ne ment pas !
— Nous allons bien voir !
Quelques minutes passèrent ; l’abbé tira de nouveau sa montre et dit :
— Midi est déjà passé. Que tout le monde s'en aille ! Tout cela est une illusion !
Mais Lucie ne voulut pas partir, et le prêtre se mit à pousser les enfants de ses deux mains. Lucie, presque en pleurant, lui dit alors :
— Que ceux qui veulent s'en aller, s'en aillent ! Moi je ne pars pas. Je suis chez moi ici... Notre-Dame a dit qu'elle viendrait... Les autres fois, elle est venue, et maintenant aussi elle va venir !
Au même moment, elle regarda du côté du levant. Le prêtre se tut alors, et ne dit plus rien.

Lucie demanda alors de fermer les parapluies alors qu’il pleuvait toujours à torrent. L'ordre se transmit à travers la foule qui, stoïquement, obéit.
À midi précise (à l’heure solaire), les trois enfants virent l'éclair. Lucie dit à Jacinthe :
— Oh, Jacinthe ! Mets-toi à genoux, Notre Dame vient ! J'ai déjà vu l'éclair !
Puis elle s'écria :
— Silence ! Silence ! Notre Dame va venir ! Notre Dame va venir !
Notre Dame apparut au-dessus des fleurs et des rubans, dont les mains pieuses de Mme Maria Carreira avaient orné son piédestal. Le visage de Lucie prit une expression surnaturelle. La couleur de son visage devint plus délicate, et ses traits plus fins. Un témoin déclara à l'enquête, le 13 novembre suivant : « Le visage de l'enfant, oculaire, devenait de plus en plus beau et prenait une teinte rose ; les lèvres s'amincissaient ».
Lucie n'entendit même pas sa mère qui lui disait : « Regarde bien, ma fille ! Prends garde de ne pas te tromper ! » Une nuée cendrée, comme un léger nuage d'encens, entourait le groupe des trois enfants.

Lucie commença :
— Que veut de moi votre Grâce ?
— Je veux te dire que l’on fasse ici une chapelle en mon honneur. Je suis Notre Dame du Rosaire. Que l’on continue toujours à réciter le chapelet tous les jours. La guerre va se terminer et les militaires reviendront bientôt chez eux.
— J’ai beaucoup de choses à vous demander : de guérir quelques malades, de convertir des pécheurs, etc.
— Quelques-uns, oui, d’autres, non. Il faut qu’ils se corrigent, qu’ils demandent pardon pour leurs péchés.
Et prenant un air plus triste :
— N’offensez pas davantage Dieu, Notre Seigneur, car Il est déjà trop offensé.
Pendant ce temps, la foule vit par trois fois se former autour de leur groupe, puis s'élever dans l'air, jusqu'à une hauteur de cinq ou six mètres, une petite nuée blanche, semblable à une fumée d'encens, comme si de thuriféraires invisibles encensaient la Vision.
— Vous ne demandez rien de plus ? demanda encore Lucie.
— Non, je ne te demande rien de plus.
— Alors moi aussi, je ne demande rien de plus.

Ouvrant alors les mains, la Sainte Vierge les fit se réfléchir sur le soleil et, pendant qu’elle s’élevait, le reflet de sa propre lumière continuait à se projeter sur le soleil. Lucie, poussée par un mouvement intérieur, et sans quitter des yeux la radieuse Apparition, s'écria à ce moment : « Elle s'en va !... Regardez le soleil ! »
Lucie expliqua plus tard le motif pour lequel elle avait dit de regarder le soleil.

Mon but n’était pas d’attirer par-là l’attention du peuple, car je ne me rendais même pas compte de sa présence. Je le fis seulement poussée par un mouvement intérieur qui m’y entraînait.

Pendant que la foule observait le soleil, les trois petits voyants virent trois tableaux que Lucie décrit dans ses mémoires de la façon suivante :

Notre Dame ayant disparu dans l’immensité du firmament, nous avons vu, à côté du soleil, saint Joseph avec l’Enfant-Jésus et Notre Dame, vêtue de blanc avec un manteau bleu. Saint Joseph et l’Enfant-Jésus semblaient bénir le monde avec des gestes qu’ils faisaient de la main, en forme de croix. Peu après, cette apparition s’étant évanouie, j’ai vu Notre Seigneur, et Notre Dame qui me donnait l’impression d’être Notre Dame des Douleurs. Notre Seigneur semblait bénir le monde de la même manière que Saint Joseph. Cette apparition disparut et il me sembla voir encore Notre Dame sous l’aspect de Notre Dame du Carmel.

Dans une autre narration, Lucie donna les détails suivants :

J'ai vu saint Joseph et l'Enfant-Jésus à côté de Notre-Dame. L'Enfant-Jésus était dans les bras de saint Joseph. Il était tout petit, un an environ. Tous deux étaient habillés de rouge clair (encarnado). Ensuite, j'ai vu Notre-Seigneur qui bénissait la foule. Puis Notre-Dame s'est montrée, vêtue comme Notre-Dame des Sept-Douleurs, mais sans le glaive dans la poitrine. Enfin, je l'ai vue vêtue d'une autre manière ; je ne sais pas comment dire, il me semble que c'était comme Notre-Dame du Mont-Carmel. Elle était habillée de blanc avec une mante bleue, et quelque chose pendait de sa main droite.

Tandis que les enfants, extasiés, contemplaient les personnages célestes, le miracle annoncé se produisit aux yeux de tout le peuple réuni à la Cova da Iria.

Le grand miracle

Lorsque Lucie cria à la foule « Elle s'en va ! Regardez le soleil », de groupe en groupe, le mot d'ordre courut : « Regardez le soleil ! Attention au soleil ! ». Alors l'immense multitude perçut un spectacle stupéfiant, unique, jamais vu.
Tout d’un coup, la pluie s'arrêta et les nuages, opaques depuis le matin, se dissipèrent. Le soleil apparut au zénith, semblable à un disque d'argent que les yeux pouvaient fixer sans être éblouis. Aussitôt, il se mit à tourner sur lui-même comme une roue de feu, projetant dans toutes les directions des gerbes de lumière dont la couleur changea plusieurs fois. Le firmament, la terre, les arbres, les rochers, le groupe des voyants et la multitude immense apparaissaient successivement teintés de jaune, de rouge, de bleu, de violet...
L'astre du jour s'arrêta quelques instants. Puis il reprit sa danse de lumière d'une manière plus éblouissante encore. Il s'arrêta de nouveau pour recommencer une troisième fois ce feu d'artifice si fantastique qu'aucun artificier n'aurait pu en imaginer de semblable. M. Marto décrivit ainsi le phénomène :

On pouvait regarder, parfaitement le soleil, sans en être incommodé. On aurait dit qu'il s'éteignait et se rallumait, tantôt d'une manière, tantôt de l'autre. Il lançait des faisceaux de lumière, d'un côté et de l'autre, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l'air. Mais la grande preuve (du miracle) c'est que le soleil ne faisait pas mal aux yeux.
Tout le monde était immobile. Tout le monde se taisait... Tous regardaient le ciel. À un certain moment, le soleil s'arrêta, et puis recommença à danser, à tournoyer ; il s'arrêta encore une fois, et se remit encore une fois à danser, jusqu'au moment, enfin, où il parut se détacher du ciel, et s'avancer sur nous. Ce fut un instant terrible ! ...

Mme Carreira rapporta qu’elle fut effrayée lorsque le soleil sembla se détacher du ciel :

Il produisait différentes couleurs : jaune, bleu, blanc ; et il tremblait, tremblait tellement ! Il semblait une roue de feu qui allait tomber sur la foule. On criait : — Oh, Jésus ! nous allons tous mourir ! Oh, Jésus ! nous mourons tous ! D'autres s'écriaient : — Notre Dame, au secours ! Et ils récitaient l'acte de contrition. Il y avait même une dame qui faisait sa confession générale, et disait à haute voix : J'ai fait ceci, j'ai fait cela... et cela encore !
Finalement, le soleil s'arrêta, et tous poussèrent un soupir de soulagement. Nous étions vivants, et le miracle que les enfants avaient annoncé avait eu lieu.

Tous les assistants, croyants, incroyants, citadins, paysans, hommes de science, journalistes, libres penseurs, tous sans exception, sans préparatifs d'aucune sorte, sans autre suggestion que l'appel d'une fillette invitant à regarder le soleil, perçurent les mêmes phénomènes, avec les mêmes phases, au jour et à l'heure annoncés trois mois auparavant. Toute la multitude amoncelée en ce lieu (près de 70 000 personnes) a témoigné du fait. Et il n’a jamais été possible de trouver un seul témoignage de quelqu’un n’ayant pas vu. Ce point authentifie entièrement le miracle. Car il est impensable, qu’à une époque où les anticléricaux étaient particulièrement nombreux, il n’y en ait pas eu un seul pour affirmer qu’il n’avait rien vu.

À la fin du phénomène solaire, se produisit un fait également fort curieux, inexplicable naturellement, et qu'attestèrent tous ceux qui furent questionnés à ce sujet. Lorsque la foule fut revenue de sa stupeur et assez consciente pour se rendre compte de ce qui se passait sur la terre, chacun constata avec une stupéfaction nouvelle, que ses habits, encore tout trempés par la pluie quelques minutes auparavant, étaient absolument secs. Et personne ne se trouvait incommodé d'avoir été tant mouillé.

Plus tard, l'enquête canonique sur le miracle permit de constater que les mouvements du soleil avaient été perçus par des personnes qui se trouvaient à plusieurs kilomètres de la Cova da Iria, ignorant par conséquent ce qui s'y passait et ne pouvant en aucune manière être influencées par la suggestion ou victimes d'une hallucination collective.
Ainsi, le poète Afonso Lopes Vieira fut témoin du phénomène dans sa résidence de Sâo Pedro de Mue, située à une quarantaine de kilomètres de Fatima :

En ce jour du 13 octobre, dit-il, alors que je n'avais pas gardé le souvenir des prédictions des petits bergers, je fus émerveillé par un spectacle éblouissant dans le ciel, pour moi entièrement nouveau, auquel j'ai assisté de mon balcon.

Il fut également observé par plusieurs personnes du village d’Albiturel situé à une vingtaine de kilomètres de Fatima, notamment par l'institutrice Mme Delfina Pereira Lopes et par l'abbé Inàcio Lourenço qui en fit la description suivante :

J'avais alors neuf ans seulement et je fréquentais l'école primaire de mon village...
Il était à peu près midi, quand nous fûmes surpris par des cris et des exclamations, poussés par des hommes et des femmes qui pas­saient dans la rue devant notre école. L'institutrice, très bonne et pieuse, mais facilement impressionnable et très timide, fut la première à sortir dans la rue et ne put empêcher les enfants de sortir tous, eux aussi, à sa suite. Dans la rue, les gens pleuraient et criaient, montrant le soleil, sans répondre aux questions que leur faisait notre institutrice, très émue.
C'était le grand miracle que l'on voyait très distinctement du haut de la colline où se trouve mon village ; c'était « le miracle du soleil », avec tous ses phénomènes extraordinaires.
Je me sens incapable de le décrire tel que je le vis alors. Je re­gardai fixement le soleil, et il me semblait avoir pâli, de telle sorte qu'il n'éblouissait pas les yeux. Il paraissait un globe de neige, qui tournait sur lui-même. Puis, soudain, il sembla descendre en zigzag comme s'il allait tomber sur la terre. Épouvanté, je courus me mettre au milieu de la foule. Tout le monde pleurait, attendant la fin du monde d'un instant à l'autre.
Près de nous, se trouvait un incroyant, un homme sans religion, qui avait passé la matinée à se moquer des naïfs qui faisaient un tel voyage pour aller voir à Fatima une petite fille. Je le regardai. Il était comme paralysé, figé, les yeux fixés sur le soleil. Puis je le vis trembler de la tête aux pieds, lever les mains au ciel, et tomber à ge­noux dans la boue, en criant : « Notre Dame ! Notre Dame !... »
Pendant ce temps, les gens continuaient à crier et à pleurer, et à demander pardon à Dieu de leurs péchés... Puis nous courûmes vers les deux chapelles du village, qui se remplirent en quelques instants.
Durant les longues minutes du phénomène solaire, les objets, autour de nous, reflétaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. En nous regardant les uns les autres, l'un paraissait bleu, l'autre jaune, l'autre rouge Tous ces phénomènes étranges augmentaient la terreur de la foule. Au bout de dix minutes, le soleil reprit sa place, de la même manière qu'il l'avait quittée, mais il restait pâle et sans éclat...
Quand tout le monde se fut persuadé que le danger était passé, il y eut une explosion de joie. Tous éclataient en cris d'action de grâ­ces : « Miracle ! Miracle !... Bénie soit Notre Dame ! »

Le miracle du soleil fut donc un miracle exceptionnel qui fit, à juste titre, une forte impression sur tous ceux qui eurent le bonheur d'en être témoins. Les enfants ayant précisé trois mois à l'avance le jour et l'heure où il aurait lieu, la nouvelle s’était répandue à travers tout le Portugal. Malgré le mauvais temps et la pluie incessante, des milliers de personnes se rassemblèrent à la Cova da Iria et furent témoins des manifestations par lesquelles « l'astre-roi » sembla rendre hommage à la Reine du Ciel et de la Terre.
Pourtant, aucun observatoire astronomique n'enre­gistra le phénomène ; par conséquent, il ne peut pas avoir une origine naturelle. Pourtant, des personnes de toutes les conditions et de toutes les classes sociales l'ont constaté, des incroyants comme des croyants ; les journalistes des principaux quotidiens du Portugal l'ont vu et raconté. Même des personnes qui se trouvaient à des kilomètres de distance en ont été témoins. Il est donc impossible de soutenir l'hypothèse d'une illusion collective.

ANNEXE

Témoignages sur le miracle du soleil

Voici quelques autres témoignages sur le miracle du soleil.

Journal O Dia du 19 octobre 1917 :

À une heure de l'après-midi (heure solaire), la pluie s'arrêta. Le ciel avait une teinte cendrée, gris perle, et une clarté étrange se répandait sur l'étendue aride et tragique de ce paysage triste, et qui en paraissait plus triste encore.
Il y avait, devant le soleil, comme un voile de gaze transparente, qui permettait de le fixer. Le ton gris perle du ciel se transforma, pour devenir celui d'une plaque d'argent, qui s'étendait peu à peu, jusqu'à ce que les nuages se déchirèrent tout à fait, et que le soleil, de teinte argentée lui aussi, et comme enveloppé de cette gaze légère, de teinte cendrée, dont j'ai parlé, parut tourner sur lui-même, et tournoyer tout autour du cercle des nuages qui s'étaient dissipés. Un cri sortit de toutes les bouches. Des milliers de créatures de Dieu, transportées par la foi jusqu'au Ciel, tombèrent à genoux sur le sol détrempé.
La lumière prenait un ton bleu étrange, comme si elle arrivait à travers les vitraux d'une immense cathédrale, pour se répandre sur cette nef gigantesque, dominée par les mains qui se dressaient vers le ciel... Le bleu s'éteignit lentement, pour faire place à une lumière qui semblait filtrée par des vitraux jaunes. Des taches jaunes tombaient maintenant sur les mouchoirs de tête blancs, sur les jupes d'étamine sombre des femmes. C'étaient des taches qui se reproduisaient à l'infini sur les maigres chênes-verts, sur les pierres, sur la campagne environnante.
Tout le monde pleurait, tout le monde priait, les hommes le chapeau à la main, sous l'impression grandiose du « miracle » attendu ! Ce furent des secondes, des instants, qui parurent des heures, tant elles furent intensément vécues ! »

Dans O Século, le journaliste anticlérical Avelino de Almeida, rapporte ainsi le ‘miracle’ :

(...) Depuis la route, où s'étaient amassées les voitures, et où plusieurs centaines de personnes étaient demeurées, faute d'avoir assez de courage pour s'avancer à travers le terrain argileux, on voit l'immense multitude se tourner vers le soleil, qui apparaît au zénith, dégagé des nuages.
Il ressemble à une plaque d'argent mat, et il est possible de le fixer sans le moindre effort. Il ne brûle pas les yeux. Il n'aveugle pas. On dirait qu'il se produit une éclipse. Mais voici que s'élève une clameur immense, et ceux qui sont plus près de la foule l'entendent crier : « Miracle ! Miracle !... Merveille !... Merveille ! »
Aux yeux éblouis de ce peuple, dont l'attitude nous transporte aux temps bibliques, et gui, stupéfait, la tête découverte, contemple l'azur du ciel, le soleil a tremblé, le soleil a eu des mouvements insolites et brusques, en dehors de toutes les lois cosmiques, « le soleil a dansé », selon l'expression typique des paysans...
Juché sur le marchepied de l'autobus de Torres Novas, un vieillard, dont la stature et la physionomie, à la fois douce et énergique, rappellent Paul Déroulède, récite, tourné vers le soleil, à voix haute, le Credo. Je demande qui c'est. On me dit que c'est Mr. Joào Maria Amado de Melo Ramalho da Cunha Vasconcelos. Je le vois ensuite s'adresser à ceux qui l'entourent et ont gardé le chapeau sur la tête, pour les supplier, avec véhémence, de se découvrir en face d'une démonstration si extraordinaire de l'existence de Dieu.
Des scènes identiques se répètent ailleurs. Une dame s'écrie, tout en larmes, comme suffoquée par l'émotion : « Quelle pitié ! Il y a encore des hommes qui ne se découvrent pas devant un miracle si stupéfiant ! »
Aussitôt après l'évènement, les gens se demandent les uns aux autres s'ils ont vu, et ce qu'ils ont vu. Le plus grand nombre confesse avoir vu le soleil trembler et danser. D'autres, cependant, déclarent avoir vu le visage souriant de la Vierge elle-même, jurent que le soleil tournait sur lui-même comme une roue de feu d'artifice, et qu'il est descendu au point de brûler la terre de ses rayons... Il y en a qui disent l'avoir vu changer successivement de couleur...

Extrait d’une lettre d'un professeur de Coïmbra, Mr. José Maria Proença de Almeida Garrett, au chanoine Formigâo :

... Je continuais à regarder le lieu des apparitions, dans un état d'expectative froide et sereine, et avec une curiosité qui commençait à s'émousser, car le temps passait, et rien ne venait éveiller mon attention. Soudain, j'entendis le brouhaha de milliers de voix, et je vis toute cette multitude, dispersée dans le large espace qui s'étendait à mes pieds, et amassée en vagues compactes autour des poteaux dressés (qui marquaient l'emplacement du chêne vert), et sur les petits murs de pierres sèches, tourner le dos à l'endroit vers lequel, jusque-là, convergeaient toutes les impatiences anxieuses, et regarder le ciel du côté opposé.
Il était presque deux heures, heure légale, c'est-à-dire à peu près midi à l'heure solaire. Le soleil, quelques instants auparavant, avait percé victorieusement l'épaisse couche de nuages qui le cachait jusque-là, et brillait intensément. Je me tournai, à mon tour, vers ce point d'attraction de tous les regards, et je pus voir le soleil, semblable à un disque bien net, à l'arête vive, qui luisait sans blesser la vue.
La comparaison que j'ai entendu faire, à Fatima même, d'un disque d'argent mat, ne me parait pas tout à fait exacte. C'était une couleur plus claire et plus riche, avec des nuances semblables à l'orient d'une perle. Le soleil ne ressemblait pas du tout à la lune lorsqu'elle brille dans un ciel pur, parce qu'il paraissait doué de vie. Il n'était pas quelque chose de sphérique, comme la lune, et n'avait pas la même tonalité, ni les mêmes clairs-obscurs. Il ressemblait à une rondelle de matière polie, comme découpée dans la nacre d'une coquille. Ce n'est pas là une comparaison banale, de poésie à bon marché. Mes yeux l'ont vu ainsi. De même, il ne pouvait se confondre avec le soleil vu à travers la brume, (il n'y en avait pas d'ailleurs à ce moment), car il n'était ni voilé, ni brouillé. À Fatima, il conservait lumière et chaleur, et se dessinait nettement dans le ciel, avec son bord en arête vive, comme une table à jeu.
La voûte céleste était parsemée de cirrus légers, avec des ouvertures de ciel bleu, ici et là, mais le soleil, de temps en temps, se détachait sur un ciel parfaitement pur. Les nuages ténus qui couraient du couchant au levant, ne voilaient pas sa lumière (qui cependant ne blessait pas la vue), et donnaient l'impression, facilement compréhensible et explicable, de passer derrière le soleil. Quelquefois ces légers flocons blancs paraissaient prendre, en glissant devant le soleil, des tonalités roses ou bleu ciel.
Le plus étonnant est d'avoir pu fixer ainsi longtemps le disque solaire, dans tout son éclat de lumière et de chaleur, sans avoir mal aux yeux, et sans éblouissement de la rétine. Ce phénomène, en comptant deux brèves interruptions, pendant lesquelles le soleil lança de nouveau des rayons fulgurants, qui obligeaient à détourner le regard, doit avoir duré près de dix minutes.
Ce disque nacré avait un mouvement vertigineux. Ce n'était pas la scintillation d'un astre dans tout son éclat. Il tournait sur lui-même avec une vitesse impétueuse.
On entendit soudain une clameur, comme un cri d'angoisse de toute cette foule. Le soleil, en effet, conservant son mouvement rapide de rotation, sembla se détacher du firmament, et, rouge sang, s'avancer vers la terre, en menaçant de nous écraser de sa masse ignée. Ce furent quelques secondes terrifiantes.
Durant le phénomène solaire, que je viens de décrire en détail, il y eut dans l'atmosphère des colorations variées. Tandis que je fixais le soleil, je remarquai que tout s'obscurcissait autour de moi. Je regardai près de moi, je jetai mes regards au loin, jusqu'à l'extrémité de l'horizon, et je vis que tout était couleur d'améthyste. Les objets, le ciel, l'atmosphère avaient la même couleur. Un chêne violet, qui se dressait en face de moi, projetait sur la terre une ombre foncée. Craignant de souffrir d'une affection de la rétine, hypothèse peu probable cependant, parce que, dans ce cas, je n'aurais pas dû voir les choses en violet, je me retournai, et je fermai les paupières, en mettant les mains devant mes yeux pour intercepter toute lumière. Tournant ainsi le dos au soleil, j'ouvris de nouveau les yeux, et je reconnus que l'atmosphère et le paysage conservaient le même couleur violette. Ce n'était pas l'impression que donne une éclipse. J'avais déjà vu, à Viseu, une éclipse totale de soleil. À mesure que la lune s'avançait pour cacher le soleil, la lumière s'obscurcissait, jusqu'au moment où tout devint blafard et sombre. La température baissa sensiblement. On eût dit que la vie allait s'éteindre sur la terre. La vue ne s'étendait qu'à une faible distance, au-delà de laquelle les objets étaient de plus en plus indistincts, jusqu'à se perdre dans l'obscurité. À Fatima, l'atmosphère, bien que violette, demeurait transparente jusqu'à la limite de l'horizon qui se distinguait et se voyait clairement, et je n'ai pas eu la même sensation d'un arrêt de l'énergie universelle.
En continuant à regarder le soleil, je remarquai que tout s'éclaircissait. Bientôt, j'entendis un paysan, près de moi, dire avec stupéfaction : « Cette dame est toute jaune ! » De fait, tout avait changé, de près et de loin, et avait pris le ton de vieux damas jaune. Les gens paraissaient atteints de jaunisse. Je ne pus m'empêcher de sourire, en voyant tout le monde si laid et si disgracieux. On entendit des rires. Ma main avait le même ton jaune.
Quelques jours après, je fis l'expérience de fixer le soleil quelques instants. En détournant ensuite les yeux, je vis, un moment après, des taches jaunes de forme irrégulière. Mais je ne voyais pas tout, comme alors, de la même couleur uniforme, comme si une topaze se fût volatilisée dans les airs. Je voyais seulement des taches, qui se déplaçaient avec le regard.
Tous les phénomènes que je décris ici, je les ai observés avec calme et sérénité, sans émotion, ni inquiétude. Il appartient à d'autres de les expliquer ou de les interpréter. Pour terminer, je dois déclarer que jamais, ni avant, ni après le 13 octobre, je n'ai constaté de phénomènes solaires ou atmosphériques de ce genre.

Mr. Domingos Pinto Coelho, écrivait dans le journal A Ordem :

Le soleil, tantôt entouré de lueurs rouges, tantôt auréolé de jaune ou de violet pâle, parut, à certains moments, animé d'un mouvement très rapide de rotation, et sembla se détacher du ciel et s'approcher de la terre, en dégageant une forte chaleur...

Le soir du 13 octobre, Mr. l'abbé Pereira da Silva écrivait à un de ses collègues, le chanoine Antônio Pereira de Almeida :

... Soudain le soleil apparaît, avec une circonférence bien définie. Il semble s'approcher, comme s'il était à la hauteur des nuages, et se met à tourner sur lui-même avec une vitesse vertigineuse, comme une roue de feu d'artifice, pendant plus de huit minutes, avec quelques arrêts. Tout paraissait sombre, et le visage des gens était jaune. Tout le monde s'agenouilla dans la boue. Dans une voiture de luxe, auprès de laquelle se trouvait l'Abbé Formigâo, une dame d'âge mûr, élégamment vêtue, se tourna vers un jeune homme qui paraissait un étudiant universitaire, et lui demanda, saisie d'une vive émotion : « Mon enfant, douteras-tu encore de l'existence de Dieu ? — Non, Maman ! répond le jeune homme, les yeux pleins de larmes. Non ! maintenant c'est impossible ! »

Extrait d'une lettre écrite de Mme Maria do Carmo Marques da Cruz Meneses :

...Subitement, la pluie s'arrêta, et le soleil parut, faisant briller ses rayons sur la terre. Il semblait tomber sur toute cette foule, et tournait comme une roue de feu d'artifice, en prenant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Tout prenait les mêmes couleurs : nos visages, nos vêtements, la terre elle -même. On entendit des cris dans la foule, et on voyait beaucoup de gens pleurer... Je m'écriai, très impressionnée : « Mon Dieu, que votre pouvoir est grand ! »...

Récit de Mr. Alfredo da Silva Santos :

Peu de temps avant le 13 octobre, je me trouvais au café Martinho de Lisbonne, le café de l'Arcade. Mon cousin Joâo Lindim, de Torres Novas, entre, et me dit : Après demain, tout le monde à la maison va à Fatima. Il paraît qu'il y a eu là quelque chose d'extraordinaire, et tout le monde est curieux de savoir ce qui s'est passé au juste — Eh bien, j'y vais moi aussi ! répondis-je.
Nous prîmes nos dispositions, et nous nous rendîmes à Fatima, dès l'aube du 13, en trois automobiles. Il y avait beaucoup de brouillard. La voiture qui allait en tête se trompa de route, nous perdîmes le chemin, et, quand nous arrivâmes à la Cova da Tria, il était presque midi à l'heure solaire. Il y avait là une foule énorme. Pour ma part, j'étais parti sans aucun esprit de piété. Bien qu'étant demeuré un peu éloigné, il me semble voir encore Lucie et Jacinthe. Quand Lucie s'écria : « Regardez le soleil ! toute la multitude répéta : « Attention au soleil ! Attention au soleil »
C'était une journée pluvieuse, de pluie fine et continue. Mais, quelques minutes avant le miracle, il cessa de pleuvoir. Je ne peux pas bien expliquer ce qui se produisit alors. Le soleil commença à danser, et, à un certain moment, il parut se détacher du firmament et se précipiter sur nous comme une roue de feu. J'étais marié depuis peu. Ma femme s'évanouit, et je n'eus pas le courage de la soutenir. Ce fut mon beau-frère, Joâo Vassalo, qui la reçut dans ses bras. Je tombai à genoux, oubliant tout ce qui se passait autour de moi. Quand je me suis relevé, je ne sais ce que j'ai dit ; je crois que je me suis mis à crier comme les autres. Un homme à barbe blanche, de Santarem apostrophait les athées : « Qu'ils se rendent compte, disait-il, s'il y a là, ou non, quelque chose de surnaturel ! »

À la question : « Ne serait-ce pas, par hasard, un cas de suggestion collective ? » Mr. Alfredo da Silva Santos répondit, non sans humour : « Quoi ? La seule chose qui était collective, c'était la pluie qui nous trempait jusqu'aux os ! »

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