Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Notre-Dame, le 13 juillet 1917
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Méditation pour le 2e mystère douloureux

Tirée des Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

COMMENT PIERRE RENIA TROIS FOIS SON MAÎTRE

I. — Cause de la chute de Pierre

Les apôtres ayant tous pris la fuite, Pierre revint et se mit à suivre Jésus de loin. Il y avait avec lui un autre disciple qui était connu du grand-prêtre. Ce disciple entra avec Jésus dans la maison du pontife, et y fit entrer. Pierre, qui alla se chauffer avec les ser­viteurs et les soldats, parce qu'il faisait froids.

1) Considérons, sur ce passage, les différents degrés d'infidélité par lesquels saint Pierre fut amené à renier son divin Maître. Les égarements de cet apôtre seront pour nous une leçon que je tâcherai de mettre à profit.

Le premier degré fut un refroidissement de son amour envers Jésus, refroidissement qui provenait d'une crainte humaine. D'un côté, l'amour qu'il avait pour un maître si bon le portait à le suivre ; de l'autre la crainte, et la tiédeur qui en était la suite, ralentissaient sa marche et le tenaient éloigné du Sauveur, lui qui auparavant était toujours auprès de sa personne.

Le second degré fut l'oubli de la prédiction que Jésus-Christ lui avait faite, qu'il le renierait trois fois dans cette nuit. C'est la conduite ordinaire de ceux qui présument d'eux-mêmes, d'oublier les paroles de Dieu, et de négliger, les avertissements intérieurs qu'il leur donne pour réprimer leur orgueil, comme si ces enseignements salutaires ne s'adressaient pas à eux.

Le troisième fut son imprudence. Parce qu'il se flatte d'aimer Jésus-Christ, il s'expose au péril de le renier. Il s'approche du feu, autour duquel sont réunis en grand nombre des hommes pervers qui tiennent de pernicieux discours. Ce n'est donc pas sans mystère que l'Évangéliste dit qu'il faisait froid. C'est pour signifier la froideur du cœur de Pierre et les ténèbres épaisses dont son âme était enveloppée.

En résumé, l'origine de tout le mal fut, pour l'apôtre infidèle, une secrète présomption, que ne guérit pas l'avertissement formel de se défier de lui-même, bien qu'il l'ait reçu de la propre bouche du Sauveur. Cette mauvaise racine étant toujours demeurée vivante dans son cœur, est-il étonnant qu'elle y produisit de si mauvais fruits ?

2) Ces considérations doivent nous faire prendre trois résolutions importantes.

La première, de ne point présumer de nos forces, nous souvenant de ces paroles de l'Apôtre : c'est la foi qui vous soutient ; n'ayez point de hauts sentiments de vous-même, mais tenez-vous dans la crainte. Que celui qui croit être ferme, prenne garde de tomber.

La seconde, de suivre Jésus-Christ, non de loin, mais de près, et avec ferveur. Celui qui suit Jésus de loin ne peut pas bien observer ses traces, ni mettre les pieds où Jésus a mis les siens ; il n'est pas sous sa protection dans les dangers.

La troisième, de fuir les compagnies dangereuses, comme des occasions de chute, nous rappelant ce que dit le Sage : Celui qui aime le danger, y périras.

3) Remarquons enfin que si cet autre disciple connu du grand-prêtre était saint Jean, selon l'opinion de quel­ques docteurs, il se trouva à la vérité dans les mêmes occasions que saint Pierre ; mais elles n'eurent pas pour lui le même danger, aussi ne renia-t-il pas son Maître. D'où vient cette différence ? Principalement de ce que Jésus-Christ, par une protection spéciale, garda et préserva le disciple bien-aimé, et en même temps, de ce que Jean n'avait ni l'orgueil secret, ni la présomption de Pierre.

Ô Dieu tout-puissant, délivrez-moi des occasions de scandale ; et si je m'y trouve engagé, moi qui suis la faiblesse même, couvrez-moi de votre miséricordieuse protection ; mettez-moi auprès de vous, et que toute main s'arme contre moi ; car si vous me tenez de votre main, nul ne pourra me renverser ni me séparer de vous.

II. — Premier reniement de Pierre

Alors une servante du pontife, qui gardait la porte, ayant considéré Pierre attentivement, le reconnut pour un des disciples de Jésus, et dit à ceux qui étaient présents : Celui-ci était aussi avec cet homme. Puis, s'approchant de Pierre, elle lui dit : N'êtes-vous pas disciple de cet homme-là ? Certainement vous étiez avec Jésus de Nazareth. Pierre répondit : Femme, je ne suis point son disciple ; je ne le connais pas ; et je ne sais ce que vous voulez dire.

1) Remarquons l'astuce du démon qui, en cette occasion, se sert d'une femme pour livrer au chef des apôtres un premier combat, comme il attaqua le premier homme par une autre femme. Il n'ignore pas que les femmes ont à la fois plus d'audace et plus de douceur que les hommes, et qu'elles sont capables de renverser ceux mêmes qui sont les colonnes de l'Église, s'ils ne fuient avec soin leur compagnie.

2) La chute de saint Pierre nous fera comprendre combien grande est la faiblesse humaine. Celui qui est la pierre fondamentale de l'Église, qui a connu par révélation la divinité de Jésus-Christ et l'a confessée publiquement, qui s'est offert à mourir pour lui ; celui-là même tremble à la voix d'une simple femme, et non seulement n'ose pas avouer franchement qu'il est disciple de Jésus, mais déclare formellement qu'il ne l'est pas, et qu'il ne le connaît pas. Cet exemple doit nous apprendre à ne point présumer de nous-même ; car nous ne sommes ni un apôtre, ni une pierre inébranlable, mais boue et poussière. Descendons bien avant dans la connaissance de notre néant ; défions-nous sans cesse de notre inconstance et de notre faiblesse, persuadés que l'édifice de nos vertus ressemble à cette statue mystérieuse, dont le haut était d'or et d'argent, et les pieds d'argile : une petite pierre suffit pour le renverser.

Ô Dieu éternel, faites-moi connaître que, de mon propre fond, je n'ai pas plus de consistance que le limon dont vous m'avez formé, afin que je ne mette pas ma confiance en moi-même, mais en vous seul, et que, résistant avec votre secours aux attaques du tentateur, je conserve précieusement les dons que j'ai reçus de vous.

3) Remarquons encore combien est dangereuse la crainte excessive du déshonneur et de la mort. Souvent, c'est moins l'adversité qui nous abat que la vaine frayeur que j'en ai.

Combien de fois une simple appréhension ne nous a-t-elle pas fait renier Jésus-Christ, sinon de paroles, du moins par les œuvres, lorsque, par exemple, nous avons négligé d'accomplir un devoir formel, et cela par respect humain, par intérêt, par sensualité ? Nous avons donc besoin de prier avec instance Notre-Seigneur Jésus-Christ de daigner nous couvrir de sa protection comme d'un bouclier, afin que nous méprisions les frayeurs de la nuit, et qu'elles ne s'emparent pas de notre cœur.

4) Remarquons la gravité de l'injure que Pierre fit à Jésus en cette circonstance, et l'immense douleur que res­sentit Jésus, quand il vit l'apôtre qu'il aimait tant, et à qui il avait donné tant de preuves de son amour, rougir de se déclarer son disciple, et condamner la vie de celui qu'il désavouait pour son maître. Voyons avec compassion notre Seigneur ainsi méconnu et abandonné des siens.

Ô mon divin Maître, je ne m'étonne pas que Judas, toujours si tiède, vous renie enfin par avarice, quand Pierre, la ferveur même, vous renonce par pusillanimité. Mais votre sagesse a voulu subir cette dernière ignominie pour me montrer avec plus d'évidence votre patience dans les souffrances, ma faiblesse dans les tentations, la vertu de votre grâce dans la conversion du pécheur.

III. — Deuxième et troisième reniement de Pierre

Pierre, voyant ce qui était arrivé et quel péril il courait, sortit et alla dans le vestibule, et alors le coq chanta pour la première fois ; mais il avait l'esprit si troublé, qu'il n'y fit aucune attention. Peu de temps après, Pierre étant rentré dans la salle où les valets se chauffaient, ils lui demandèrent : N'êtes-vous pas de ses disciples ? Et l'un d'entre eux lui dit : Vous en êtes assurément. Mais Pierre le nia une seconde fois et dit avec serment : Je ne connais point cet homme. Environ une heure après, ceux qui étaient là commencèrent à presser Pierre, lui disant : Vous êtes vraiment des disciples de Jésus ; car vous êtes Galiléen, on le voit bien à votre langage. Un autre ajouta, dans le même sens : Ne vous ai-je pas vu avec lui dans le jardin ? Pierre nia tout pour la troisième fois ; et il se mit à faire des imprécations, et à jurer en disant : Je ne connais point cet homme dont vous me parlez.

Les infidélités du premier des apôtres et les circonstances qui en furent l'occasion peuvent nous fournir les réflexions suivantes.

1) Remarquons les ruses multipliées que Satan emploie pour tenter saint Pierre. Il exécute ce qu'il projette depuis longtemps ; il crible, selon l'expression de Jésus-Christ, son adversaire comme du froment. Il l'attaque à plusieurs reprises, tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, jusqu'à le renverser une première, une seconde et une troisième fois. Il en use ainsi avec les plus grands saints, et la furie avec laquelle il a coutume de les assaillir est si grande, que s'ils ne sont bien fondés dans l'humilité, il les précipite du sommet de la perfection dans l'abîme du péché.

Ô Dieu éternel, ne permettez pas que le pied de l'orgueilleux qui nous poursuit vienne à m'atteindre, ni que la main du pécheur m'ébranle et nous fasse déchoir du lieu où vous m'avez élevé par votre grâce.

2) Considérons combien il est dangereux de rester dans l'occasion du péché, et de ne pas profiter de l'avertissement d'une première chute. Un péché attire un autre péché, et le second est ordinairement plus grave que le premier. Ainsi, on va de mal en pis, comme saint Pierre, qui commença par renier simplement son maître, puis le renia avec serment, puis, enfin ajouta au serment les imprécations. Il est donc très important d'étouffer dès le principe le respect humain, et de fuir le danger aussitôt qu'il se présente : car les démons, toujours acharnés à notre perte, ne cessent de répéter : Détruisez, détruisez Jérusalem jusqu'à ses fondements. C'est-à-dire : Ôtez à cette âme la foi qui est sa lumière, ôtez-lui l'espérance qui est son soutien.

3) Remarquons que, comme saint Pierre avait, cette nuit-là même, manifesté sa présomption à trois reprises différentes, répondant au Seigneur qu'il était prêt à le suivre jusqu'à la mort, qu'il ne se scandaliserait point de lui, quand tous les autres en seraient scandalisés, qu'il ne le renierait jamais, quand il devrait lui en coûter la vie ; Jésus-Christ, pour punir ces trois actes de présomption, permit que peu de temps après il le renonçât trois fois. Nous voyons par-là que l'humiliation suit de près l'orgueil, et que le superbe est puni par où il a péché Que celui donc qui a eu le malheur de s'enorgueillir se hâte de pleurer sa faute, avant que l'humiliation fonde sur lui à pas précipités.

IV. — Repentir de saint Pierre

Aussitôt le coq chanta pour la seconde fois. Et le Seigneur se retournant, regarda Pierre. Et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq ait chanté deux fois, tu nous renieras trois fois. Et, étant sorti, il pleura amèrement. Dans ce peu de paroles, nous voyons peintes au vif la conversion et la pénitence de saint Pierre.

1) Admirons, dans le changement subit du prince des apôtres, la miséricorde et la charité de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Il est lui-même environné d'ennemis, en butte aux plus horribles persécutions, aux plus atroces calomnies ; et il semble oublier ses propres maux pour se souvenir de son disciple, dont l'infidélité vient ajouter à son affliction. Bien que Jésus soit éloigné de Pierre, il ne laisse pas de connaître ses égarements ; et, au lieu de le châtier, il l'excite à la pénitence, poussé du désir de lui pardonner ; et il use même d'une extrême diligence pour arracher promptement de la gueule du loup infernal cette brebis égarée. Il fait pour cela chanter le coq tandis que Pierre parlait encore, selon le texte de l'évangéliste saint Luc. Mais ce second chant du coq serait aussi peu efficace que le premier, si le Seigneur ne jetait sur son disciple les yeux de sa miséricorde ; s'il n'éclairait son esprit d'une lumière céleste pour lui faire reconnaître sa faute ; s'il ne touchait son cœur pour la lui faire pleurer.

Ô mon aimable Jésus, comment ne vous aimerais-je pas de tout mon cœur ! Lorsque je songe à vous offenser, vous cherchez les moyens de me pardonner ; et lorsque votre colère devrait éclater sur moi par de rudes châtiments, vous vous souvenez de votre miséricorde, et vous me remettez mon péché. Ayez pitié de tous les pécheurs, ô mon Dieu ; jetez sur eux des regards de com­passion ; ouvrez leurs oreilles, afin qu'ils écoutent la, voix des prédicateurs ; touchez leur cœur, afin qu'ils répandent des torrents de larmes. Et pour moi, s'il m'arrive de vous offenser par fragilité, souvenez-vous, Seigneur, de votre miséricorde, vous qui connaissez ma faiblesse.

2) Considérons combien furent amères les larmes de Pierre repentant. Ce n'est point la crainte du châtiment qui les lui fait verser, c'est l'amour de son Maître. Il se rappelle les faveurs et les bienfaits qu'il a reçus de lui ; il se représente avec quelle ingratitude il l'a renoncé en des circonstances si pénibles : et ce double souvenir remplit son cœur d'amertume et change ses yeux en deux sources de larmes. Il sent alors par expérience la vérité de ces paroles du prophète Jérémie : Comprends et vois combien il est funeste et amer pour toi d'avoir abandonné ton Dieu et renoncé à ton Seigneur. Pourquoi, se dit-il à lui-même, faut-il que je vive encore, après avoir méconnu l'auteur de la vie ? Comment la terre ne s'entrouvre-t-elle pas sous mes pieds, pour m'engloutir et venger ainsi l'injure que j'ai faite à son Créateur ? Comment ma bouche a-t-elle pu prononcer ce fatal serment : Je jure que je ne connais point ce Jésus ?... Il m'a fait tant de bien… Comment ma langue a-t-elle pu se délier, pour proférer cette imprécation terrible : Que Dieu me punisse si je connais cet homme ?... Il m'a montré tant d'amour !... Oh ! qu'il serait juste que la malédiction tombe sur moi, puisque je l'ai choisie ; qu'elle pénètre comme l'eau au dedans de moi, et comme l'huile jusque dans mes os, puisque j'ai fait un pacte avec elle ! Qui donnera à mon cœur l'amertume des eaux de la mer, et à mes yeux une fontaine de larmes, pour pleurer jour et nuit la mort de mon âme, et l'outrage dont je me suis rendu coupable envers mon Sauveur ! Mais je sais que mon Rédempteur est miséricordieux ; je sais qu'il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Je me tournerai donc vers celui qui a daigné se tourner vers moi ; je regarderai celui qui a voulu me regarder le premier ; je m'approcherai de lui en esprit, et, prosterné à ses pieds, je lui dirai avec l'Enfant prodigue : Ô mon Père et mon maître, j'ai péché contre le ciel et contre vous ; je ne mérite plus d'être appelé votre fils ni votre disciple ; recevez-moi comme un de vos serviteurs dans votre maison, car il n'y a point pour moi d'enfer aussi insupportable que le malheur d'être banni de votre présence.

Ainsi pleurait l'apôtre pénitent. Il s'excitait à une sainte confiance dans la divine miséricorde par le souvenir des paroles mêmes qu'il avait entendues de la bouche de Jésus : Pierre, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères. Ainsi continua-t-il de pleurer tous les jours de sa vie, lorsqu'il entendait le chant du coq ; et la tradition nous apprend qu'il avait les joues creusées et sillonnées par les larmes brûlantes qui coulaient en abondance de ses yeux.

3) Considérons comment le Saint-Esprit éclaira, toucha et convertit en un moment Pierre infidèle.

1° Il lui rappela vivement à la mémoire les paroles de Jésus-Christ.

2° II le porta à sortir du lieu où il était et à fuir ainsi l'occasion périlleuse dans laquelle il se trouvait engagé.

3° Il lui inspira de se retirer à l'écart pour pleurer amèrement son péché. C'est encore la conduite du Seigneur lorsqu'il veut nous ramener d'une manière efficace à son service. Il commence par exciter en nous des sentiments de crainte, de confiance et d'amour. Il éloigne ensuite de nous tout ce qui est obstacle à une sincère pénitence. Enfin, il nous accorde le fruit de nos larmes, c'est-à-dire le pardon de nos péchés, pourvu que nous soyons dans la disposition de nous en confesser au temps convenable.

Ô mon âme, comme tu vois dans la chute de Pierre l'image de ta faiblesse, reconnais aussi dans sa conversion l'efficacité de la grâce divine. À son exemple, pleure devant Dieu tes offenses ; et, ainsi que lui, tu en obtiendras pleinement le pardon. Ainsi soit-il.

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