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Annexe à la lettre n° 180
Analyse de la note Mater Populi Fidelis
(En cours de rédaction)
Intitulée Mater Populi Fidelis, Note doctrinale sur certains titres mariaux qui se réfèrent à la coopération de Marie à l’œuvre du salut, la note (que nous désignerons par la suite par “la note”) est un document conséquent : 80 paragraphes, occupant 50 pages (au format d’un livre) dont 15 pages de notes et références. Dans la présentation de la note, le cardinal Fernadez précise qu’elle poursuit un triple but :
- clarifier dans quel sens certains titres ou expressions se référant à Marie sont acceptables ou non,
- approfondir les justes fondements de la dévotion mariale,
- préciser la place de Marie par rapport au mystère du Christ, unique Médiateur et Rédempteur.
Après une belle présentation du rôle de la Sainte Vierge (n°4 à 16), La note étudie quatre titres de la Sainte Vierge : Co-rédemptrice (6 paragraphes), Médiatrice (11 paragraphes), Mère des croyants (11 paragraphes) et Mère de grâce (31 paragraphes). Voyons ce qu’elle en dit.
Le titre de Co-rédemptrice
La note commence par rappeler quelques éléments sur l’origine de ce titre, notamment que le terme Rédemptrice apparaît au Xe siècle pour désigner la “Mère du Rédempteur”, terme remplacé petit à petit à partir du XVe pas celui de Co-rédemptrice, pour disparaître complètement à partir du XVIIIe siècle.
La note affirme que « certains Pontifes ont utilisé ce titre sans trop s’attarder à l’expliquer ». Une note de bas de page (n° 33) mentionne deux papes : saint Pie X et Pie XI. C’est donc a priori eux qui sont principalement visés par cette remarque. Cette affirmation est proprement fausse. Avec Ad Dium I saint Pie X a fait une remarquable synthèse, d’une précision théologique sans reproche. Et Pie XI en a parlé. C’est à ce point qu’on peut se demander si l’auteur la note a lu ces encycliques, ou même s’il en connaît simplement l’existence. Que l’on consulte l’annexe : on verra à quel point cette affirmation est erronée. La note° 33 : mentionne simplement que sous le pontificat de saint Pie X, le titre de Co-rédemptrice se trouve dans un document de la Sacrée Congrégation des Rites et dans deux documents du Saint-Office. Cf. Sacrée Congrégation des Rites, Dolores Virginis Deiparae (13 mai 1908) : ASS 41 (1908), 409 ; Sacrée Congrégation du Saint-Office, Décret Sunt Quos Amor (26 juin 1913) : AAS 5 (1913), 364, qui fait l’éloge de la coutume d’ajouter au nom de Jésus le nom « de sa mère, notre co-rédemptrice, la Bienheureuse Marie »; Id., Prière indulgenciée (22 janvier 1914): AAS 6 (1914), 108, où Marie est appelée « co-rédemptrice du genre humain ». Le premier des papes à utiliser le terme de Co-rédemptrice est Pie XI dans le Bref du 20 juillet 1925, s’adressant à la Reine du Rosaire de Pompéi dans Pie XI, Ad B.V.M. a sacratissimo Rosario in Valle Pompeiana, dans Sacra Paenitentiaria Apostolica, Enchiridion Indulgentiarum, Roma 1952, n. 628. : « Souviens-toi aussi qu’au Calvaire tu as été constituée co-rédemptrice, collaborant avec la crucifixion de ton cœur au salut du monde, avec ton Fils crucifié » Cf. Id., Discours “Ecco di nuovo” a un groupe de pèlerins de Vicence (30 novembre 1933) : L’Osservatore Romano, 1er décembre 1933, 1.
Ensuite, la note donne les raisons de ne pas accepter ce titre. Elle rappelle que « Le Concile Vatican II a évité d’utiliser le titre de Co-rédemptrice pour des raisons dogmatiques, pastorales et œcuméniques. » (n°18)
Rappelant au passage que Jean-Paul II l’a utilisé au moins sept fois, elle cite ensuite (n° 19) deux avis négatifs du cardinal Ratzinger :
Lors de la Feria IV du 21 février 1996, le Préfet de ce qu’on appelait alors la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Joseph Ratzinger, en réponse à la question de savoir si la demande du mouvement Vox Populi Mariae Mediatrici d’une définition du dogme de Marie comme co-rédemptrice ou médiatrice de toutes grâces était acceptable, a répondu dans son votum personnel : « Négatif. La signification précise de ces titres n’est pas claire et la doctrine qu’ils contiennent n’est pas mûre. Une doctrine définie de foi divine appartient au dépôt de la foi, c’est-à-dire à la révélation divine véhiculée dans l’Écriture et dans la tradition apostolique. Or, on ne voit pas clairement comment la doctrine exprimée dans les titres est présente dans l’Écriture et dans la tradition apostolique. »
Suite à cette décision de la CDF, Jean-Paul II n’a plus utilisé l’expression Co-rédemptrice qu’il avait utilisé plusieurs fois auparavant (au moins sept fois précise la note).
Au regard de ce que l’on a vu, on comprend mal qu’il ait pu dire que la définition précise n’est pas claire. Plusieurs siècles d’utilisation par les plus grands saints et des papes n’est pas suffisant. De plus, des doctrines comme l’Immaculée conception ou l’Assomption ne figurent ni dans l’Écriture, ni dans l’enseignement des apôtres. Mais ce n’est pas une difficulté : il en est de même par exemple pour l’Immaculée conception ou l’Assomption.
Ces doctrines ont malgré tout été définies comme des dogmes. en plusieurs siècles de réflexion théologiques, personne n’avait remarqué que dans l’Écriture Sainte Marie ne se revendique jamais co-rédemptrice (pas plus qu’Immaculée Conception, Mère de Dieu, perpétuellement vierge, Nouvelle Eve, Nouvelle Arche d’Alliance, Reine des Cieux, Avocate, etc, alors que tout cela est soit dogmatique soit omniprésent dans la théologie et la piété catholiques)
La note cite ensuite une intervention publique de 2002 du cardinal se prononçant clairement contre l’usage de ce titre :
La formule “Co-rédemptrice” est trop éloignée du langage de l’Écriture et de la patristique et provoque ainsi des malentendus... Tout procède de Lui, comme le disent surtout les Lettres aux Éphésiens et aux Colossiens. Marie est ce qu’elle est grâce à Lui. Le mot “co-rédemptrice” éclipserait cette origine.
Trois ans plus tard, au cours d’une conversation avec P. Seewald, il affirma que le terme était « erroné ». Et la note ajoute que l’unicité de la Rédemption du Christ entraîne que « la possibilité d’y ajouter d’autres médiations est exclue.et qu’il faut avoir une prudence religieuse et délicate lorsque nous envisageons toute forme de coopération possible dans le domaine de la Rédemption ».
Ensuite la note mentionne trois interventions au cours desquelles François a exprimé de façon particulièrement ferme son opposition à l’utilisation du titre de co-rédemptrice.
Dans son homélie du 12 décembre 2019, pour la fête de Notre-Dame de Guadalupe, François, après avoir agréé trois titres – femme ou dame, mère et disciple – écarte résolument le titre de co-rédemptrice « [Marie] n’a jamais voulu prendre pour elle quelque chose de son Fils. Elle ne s’est jamais présentée comme co-rédemptrice. Non, disciple. » Il ajoutera qu’il s’agit d’un « non-sens » Le mot espagnol tontería signifie bêtise, sottise, stupidité, idioties. Il désigne généralement une parole ou une action absurde, dénuée de sens ou déraisonnable. (En note 37, ce point est attribué à quelques théologiens alors qu’il est affirmé par saint Pie X. Mais la parole de François, dans son style synodal inimitable, pèse plus lorsqu’il taxe cette doctrine de tontería (12 décembre 2019)) et escamotent sa portée universelle (n°67–70).
Elle donne deux autres citations :
La Vierge n’a voulu obtenir aucun titre de Jésus [...]. Elle n’a pas demandé d’être elle-même une quasi-rédemptrice ou une co-rédemptrice : non. Il n’y a qu’un seul Rédempteur et ce titre ne se dédouble pas. (Méditation du 3 avril 2020)
[Le Christ] est l’unique Rédempteur : il n’y a pas de co-rédempteurs avec le Christ. (Audience générale du 23 avril 2021)
Et voici la conclusion de la note suite à cette brève analyse :
21 (…) Ni l’Église ni Marie ne peuvent remplacer, ni perfectionner, l’œuvre rédemptrice du Fils de Dieu incarné, qui a été parfaite et n’a pas besoin d’ajouts.
22. Compte tenu de la nécessité d’expliquer le rôle subordonné de Marie au Christ dans l’œuvre de la Rédemption, l’utilisation du titre de Co-rédemptrice pour définir la coopération de Marie est toujours inopportune. Ce titre risque d’obscurcir l’unique médiation salvifique du Christ et peut donc générer une confusion et un déséquilibre dans l’harmonie des vérités de la foi chrétienne, parce qu’ « il n’y a de salut en personne d’autre », car « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). Lorsqu’une expression nécessite des explications nombreuses et constantes, afin d’éviter qu’elle ne s’écarte d’un sens correct, elle ne rend pas service à la foi du Peuple de Dieu et devien gênante. Dans ce cas, elle n’aide pas à exalter Marie comme la première et la plus grande collaboratrice dans l’œuvre de la Rédemption et de la grâce, parce que le danger d’obscurcir la place exclusive de Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme pour notre salut, le seul capable d’offrir au Père un sacrifice d’une valeur infinie, ne serait pas un véritable honneur pour la Mère.
La note dit donc clairement que, si la théologie de la coopération de Marie est une partie légitime de la doctrine catholique, elle ne doit pas être mentionnée en utilisant le terme “Co-rédemptrice.”
La démonstration n’est guère convaincante. Elle s’appuie essentiellement sur le silence de Vatican II et les avis négatifs du cardinal Ratzinger et de François. Mais qu’est-ce à côté de tous les avis opposés des siècles précédents ? Elle ne cite aucun des papes précédents, se contentant de donner quelques références en note, et ne montrant pas en quoi l’important volume des enseignements précédents est imprécis. En particulier, elle ne dit pas en quoi les auteurs précédents ont été imprécis, ni pourquoi il faut de nombreuses explications pour comprendre. mais ne donne pratiquement pas de citations, dans le texte et très peu en notes. Ce qui fait qu’à la lecture de la note, il n’est pas possible de savoir en quoi la notion était imprécise. Car au vu du nombre textes, elle paraît parfaitement précisée.
Mais lorsqu’un concept est riche, n’est-il pas juste que de nombreux écrits essayent de l’approfondir ? Par exemple, doit-on rejeter le concept de Sainte Trinité, sous prétexte qu’il existe un très grand nombre de livres traitant de cette question ? s’il fallait se méfier de toutes les notions souvent expliquées, on supprimerait beaucoup de chose.
Quand bien même il y aurait quelques imprécisions, ne convenait-il pas de préciser plutôt que d’interdire. De même, au n° xx la note dit que les messages véhiculés par certaines apparitions, mais sans dire lesquelles, utilisent abusivement ce concept. si le terme Co-rédemptrice soulève la confusion « la solution ne réside pas dans l’abandon de termes traditionnels. Elle passe par l’éducation, le catéchisme, la prédication, l’apologétique et la controverse ». Et tous les livres sur la Sainte Trinité, le Saint-Esprit, le Sacré-Cœur, la Grâce, la dévotion à la Sainte Vierge. S’il faut tant de livres, est parce que c’est parce que c’est obscur ? Même sur les Evangiles, notamment l’Apocalypse de saint Jean.
Mais il y a abus et abus : si tout abus, quel qu’il soit, devait être interdit, cela reviendrait à interdire la conduite automobile parce qu’elle provoque des accidents. Enfin, le démon passe son temps à dire des demi-vérités sur telle ou telle doctrine. On ne va pas tout interdire sous prétexte que le démon inspire à certains d’écrire n’importe quoi.
Enfin, la participation de Notre-Dame est désignée par le terme de “coopération” (sous la forme de verbe, nom, adjectif), est employé 20 fois ! (Il le sera encore 28 fois dans le reste du document). Outre l’utilisation du terme coopérer pour qualifier l’action de Notre-Dame, la note insiste sur l’unique et seule médiation du Christ ; les expressions comme « unique médiation du Christ », « unique Médiateur », « unique source » figurent 28 fois dans cette partie. Mais pourquoi une telle insistance ? Tout ceci a été maintes et maintes fois dit par les prédicateurs et les papes, comme le montre toutes les citations faites en annexe.
Ici, il convient de préciser la distinction entre coopération et co-rédemption.
La coopération désigne le fait de travailler ensemble de manière volontaire et coordonnée pour atteindre un objectif commun. Elle conduit à mettre en commun ressources, efforts ou compétences. Chacun oeuvrant plus ou moins indépendamment mais toujours afin d’obtenir un résultat bénéfique pour toutes les parties
Dans la théologie traditionnelle, voir Tanqueray, et autres, la co-rédemption désigne la participation singulière mais subordonnée d’une créature — le plus souvent Marie — à l’œuvre de la Rédemption accomplie uniquement par le Christ. Elle signifie une coopération instrumentale et dépendante, sans rien ajouter ni rivaliser avec l’unique médiation salvifique du Christ.
Il n’a jamais été question d’une œuvre indépendante. Elle est subordonnée et il y a un écart infini.
On comprend mal l’insistance de l’unicité dans la note. Ce point ne fait aucun doute depuis l’antiquité. Ce que l’on comprend par contre, c’est que la note veut rabaisser l’action de la Sainte Vierge à une simple participation humaine, sans aucune action directe à la rédemption, action subordonnée à celle du Christ, certes, mais action réelle, comme exprimée dans la tradition (voir paragraphe précédent et annexe).
Il y a là manifestement un procès d’intention de la note, car elle laisse entendre ce que jamais la tradition constante n’a enseigné. Et elle ne cite pas la moindre référence dans la Tradition.
Le titre de Médiatrice de toutes grâces
La note analyse ensuite le titre de Médiatrice et rappelle qu’il est apparu au cours du VIe et mentionne plusieurs saints qui en ont parlé : saint André de Crète, saint Germain de Constantinople et saint Jean Damascène. Puis son développement au XIIe siècle, puis au XVIIe. Il rappelle l’action du cardinal Mercier mais en insistant sur le fait qu’il refusa un dogme n’accordant qu’une messe en certains lieux, puis ajoute : « Le Concile n’est pas entré dans des déclarations dogmatiques, mais a préféré présenter une vaste synthèse « de la doctrine catholique sur la place qu’occupe la Très Sainte Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Église ».
En réalité, le concile a refusé une proposition signée par au moins trois cent quatre-vingts évêques (15%) de définir le dogme de la Médiation universelle de la Très Sainte Vierge. En effet, lors de la discussion du projet de schéma sur la Sainte Vierge par la commission centrale, le cardinal Montini exprima une forte opposition à cette demande des pères conciliaires et déclara le 20 juin 1962 (un an avant d’être élu pape) :
La proposition d’un nouveau titre, surtout celui de Médiatrice, à accorder à Marie très Sainte, me paraîtrait inopportune et même condamnable ["damnosa" en italien]. Le terme de médiateur ne doit être attribué uniquement et exclusivement qu’au Christ, selon ce que dit l’apôtre : « Unus est mediator ». L’extension de ce titre ne semble pas favoriser la vraie piété. (…) Il vaut mieux parler de la maternité spirituelle universelle de Marie très sainte, de sa royauté et de sa merveilleuse, très bénigne intercession, mais non de médiation.
La proposition des 380 évêques fut donc rejetée alors que toute la tradition est unanime pour attribuer le titre de médiatrice à la Sainte Vierge. Le concile (Lumen Gentium) a également des formules très restrictives sur le rôle de Notre-Dame : « Le rôle maternel de Marie envers les hommes ne voile ou ne diminue en aucune manière cette médiation unique du Christ, mais elle en montre l’efficacité ». (n° 60) Le texte particulier sur la Sainte Vierge qui avait été préparé fut refusé, car les théologiens protestants qui avaient été invités à assister au concile avaient menacer de partir si ce schéma était étudié. Pour sortir de l’impasse, le texte fut inclut dans Lumen gentium qui ne fut accepté qu’à une toute petite majorité de 17 voix (1114 sur 2193) le 29 octobre 1963 Le soir de cette journée, le père Congar, que Jean-Paul II nommera cardinal, nota dans son journal : « La mariologie, du moins celle qui veut toujours ajouter, est un vrai cancer ». On est loin de saint Louis-Marie Grignion de Montfort disant. (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n° 10) : « Il faut dire avec les saints : “De Maria, numquam satis”. On n’a point encore assez loué, exalté, honoré, aimé et servi Marie. Elle mérite encore plus de louanges, de respects, d’amour et de service. » La citation latine qui peut se traduire par : « Sur Marie, on n’en dira jamais assez », est de saint Bernard et signifie que la grandeur de la Vierge Marie dépasse tout ce que l’on peut en dire.
Le pape expliqua, dans son discours du 29 septembre 1963, lors de l’ouverture de la deuxième session du concile, pourquoi il l’avait rejetée : « A notre foi, que nous tenons pour divine, nous devons l’adhésion la plus franche et la plus ferme. Mais nous sommes convaincus qu’elle n’est pas un obstacle à l’entente souhaitée entre nous et les frères séparés, précisément parce qu’elle est vérité du Seigneur et qu’elle est donc principe d’unité, non de divergence ou de séparation. En tout cas, nous ne voulons pas faire de notre foi un motif de polémique avec eux. »
Cependant, pour ne pas indisposer les évêques conservateurs, on ajouta tout de même le titre de « médiatrice » aux autres qualificatifs attribués à Marie dans le paragraphe 62 du texte conciliaire.
De plus en plus de théologiens s’opposaient à la définition d’un dogme de Marie Médiatrice. S’appuyant sur plusieurs passages de l’Évangile, notamment xxx, elle déclare : « une prudence particulière s’impose dans l’application de l’expression “Médiatrice” à Marie
La note rappelle qu’une forme de médiation est possible « qu’il y a eu une forme de médiation réelle de Marie pour rendre possible l’Incarnation du Fils de Dieu dans notre humanité » (n° xx), que « Cette réponse de Marie a ouvert les portes de la Rédemption » (n° xx), que « le Christ rend possibles diverses formes de participation à l’accomplissement de son dessein salvifique », que « nous pouvons tous être, d’une certaine manière, des coopérateurs de Dieu, “médiateurs” les uns pour les autres », que, en citant Vatican II, « l’unique médiation du Rédempteur n’exclut pas, mais suscite au contraire une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source », que Notre-Dame « a été unie au Christ, de l’Incarnation à la Croix et à la Résurrection, d’une manière exclusive et supérieure à tout ce qui peut arriver à tout croyant. »
Mais tout de suite après, elle affirme (n° 33) :
N° 33 : Quand nous nous efforçons de lui attribuer des fonctions actives parallèles à celles du Christ, nous nous éloignons de cette beauté incomparable qui lui est propre. L’expression “médiation participée” peut exprimer un sens précis et précieux de la place de Marie, mais comprise de manière inadéquate, elle pourrait facilement l’obscurcir et même la contredire.
dans cette partie « unique médiation » répétée 8 fois.
Encore une fois, la démonstration n’est guère convaincante. En regard des nombreuses déclarations des siècles précédents, la note n’avance que le silence du concile, sans aucun argument s’opposant à ces enseignements.
Le titre de Mère des croyants
C’est un titre nouveau. Il a droit à 11 paragraphes, autant que médiatrice. Jusqu’à présent, jamais la Sainte Vierge n’a été invoquée sous le titre de mère des croyants. Il est légitime de s’interroger sur la pertinence d’un tel titre. L’expression laisse supposer qu’elle n’est la mère que des croyants et pas des non-croyants. Or n’est-elle pas la mère de tous les hommes ? Dans voici ton fils, n’inclut pas que saint Jean mais l’ensemble des hommes. Elle est tout autant la mère des incroyants espérant toujours qu’ils reviendront à l’unique troupeau dans l’unique bercail. Jean-Paul II le 25 mars 1984 a utilisé le titre de mère des hommes et des peuples. Le débat théologique a souvent porté sur mère des hommes ou mère des fidèles. Mais Mère des croyants. Pourquoi pas mère des non-croyants ? Croyant terme non utilisé dans la religion catholique ; on utilise plutôt fidèle ou catholique. Marie, mère de tous les hommes, même ceux qui ne croient pas en elle afin d’essayer de les sauver. Tous sont ses enfants, pratiquants ou non, catholiques ou non, croyants ou incroyants.
Les consécrations du monde au cœur immaculé par les papes n’incluent-elles que les croyants ? Léon XIII a consacré le genre humain.
Il y a de justes considérations sur la maternité spirituelle de la Sainte Vierge, mais on cherche pourquoi cette expression mère des croyants. sur le fond, elle sûrement plus proches des croyants, mais pas n’importe lesquels, ceux qui croient en la divinité du Fils de Dieu. Or croyants peut désigner toute autre religion : il y a là une ambiguïté regrettable mais bien dans l’esprit du post-concile.
Au passage (n° 37), un rappel sur les restrictions
Il faut éviter les titres et les expressions qui se réfèrent à Marie et qui la présentent comme une sorte de “paratonnerre” devant la justice du Seigneur, comme si Marie était une alternative nécessaire à l’insuffisante miséricorde de Dieu.
N° 44 : Sa valeur pour l’Église est si grande que les pasteurs doivent éviter toute instrumentalisation politique de cette proximité de la Mère.
Selon les auteurs, on considérera en saint Jean le représentant des élus, des chrétiens, des fidèles, ou de tout le genre humain. Certes, ces termes ne recouvrent pas la même extension, et il y a une différence notable entre les expressions : « tous les fidèles » et « tous les hommes ». Mais le contexte et aussi le fait que nombre d’auteurs emploient tantôt l’une, tantôt l’autre formule, tout cela vérifie le jugement précité du pape Léon XIII : « En la personne de Jean, selon le sentiment constant de l’Église, le Christ a désigné le genre humain et, plus spécialement, ceux qui s’attachent à lui par la foi 5. » LEON XIII, Encyclique Adjutricem populi christiani du 5 septembre 1895.
confirme : « Les Pères de l’Église ont rapporté (ab Ecclesiæ Patribus traditum est) que Jean représentait alors tous les fidèles du Christ 2. » 2 — Decretum S.C.R., ASS 35, p. 627 (année 1902).
Le titre de Mère de la grâce
Le titre de Mère de la grâce rappelle celui employé depuis des lustres dans les litanies de la Très Sainte Vierge : Mère de la divine grâce. 4e invocation après celles de Mère de Dieu, Vierge des vierges, Mère du Christ. . Car l’expression Mère de la grâce est plus forte que l’expression Médiatrice de la grâce. La mère est celle qui proprement engendre, alors que le médiateur n’engendre pas, il n’est qu’un intermédiaire. Notre-Dame est mère de la divine grâce car elle est la mère de l’auteur de la grâce. Puis après la mort de Jésus elle est la médiatrice de toutes les grâces Tout en rappelant qu’elle a un rôle d’intercession (note 99), les 31 paragraphes ne sont pas pour justifier ce titre, mais pour le limiter, car il est contraire au fait qu’elle n’est pas médiatrice
l’origine du titre est bien rappelé, (n° 58 et 59), mais la note refuse que les croyants et Marie avec eux puissent être « des canaux d’une transmission perfective de la grâce sanctifiante ».
La note s’efforce en 31 paragraphes, (plus que pour les 3 autres titres étudiés ensemble) de récuser encore le terme de médiatrice. Elle commence par rappeler (n° 45) les restrictions du cardinal Ratzinger sur ce point :
Le Cardinal Ratzinger avait affirmé [réunion du 21 février 1996 déjà citée] que le titre de Marie médiatrice de toutes grâces n’était pas non plus clairement fondé sur la Révélation (CR du 196) et, en accord avec cette conviction, nous pouvons reconnaître les difficultés qu’il comporte, tant pour la réflexion théologique que pour la spiritualité.
Puis elle enchaîne les limitations qu’il convient d’apporter à ce titre :
N° 47 : Notre salut est l’œuvre de la seule grâce salvatrice du Christ, et non de quelqu’un d’autre.
N° 53 : Aucun être humain, pas même les apôtres ou la très sainte Vierge, ne peut agir en tant que dispensateur universel de la grâce. Seul Dieu peut donner la grâce et Il le fait à travers l’humanité du Christ.
N° 54 : (…) pour la communication de la grâce, même Marie ne peut intervenir. Ni l’amitié avec Jésus-Christ, ni l’inhabitation de la Trinité ne peuvent être conçues comme une chose qui nous vient par Marie ou par les saints.
N° 55 : Nous devons éviter toute description qui suggérerait (…) une sorte d’effusion de la grâce par étapes, comme si la grâce de Dieu descendait par différents intermédiaires – comme Marie (…). Ce n’est pas un honneur pour Marie de lui attribuer une quelconque médiation dans l’accomplissement de cette œuvre exclusivement divine.
N° 65 : Il n’est pas licite de présenter l’action de Marie comme s’Il [Dieu] en avait besoin pour opérer le salut. (…) Marie ne remplace pas le Seigneur dans une chose qu’Il ne fait pas (dérogation) ou ne Le complète pas (addition).
N° 67 : Certains titres, comme celui de Médiatrice de toutes les grâces, ont des limites qui ne facilitent pas une compréhension correcte de la place unique de Marie. En effet, elle, la première rachetée, ne peut pas avoir été médiatrice de la grâce qu’elle a reçue elle-même.
N° 68 : Le titre susmentionné [celui de “médiatrice de toutes les grâces”] court le risque de voir la grâce divine comme si Marie devenait distributrice de biens ou d’énergies spirituelles, détachés de notre relation personnelle avec Jésus-Christ.
Une fois de plus, les explications proposées par la note du Dicastère pour la Doctrine de la foi, passablement compliquées, caricaturent les enseignements mariaux traditionnels (Comme si on parlait d’un « dépôt de grâces séparé de Dieu » dont Marie pourrait disposer. Comme si on considérait la Vierge comme « source » elle-même de la grâce (n°45), ou « cause principale de la grâce » (n°50), ou comme méritant Elle-même sa propre sanctification première (n°67).), mettent au conditionnel la valeur méritoire de la compassion de Notre Dame
Donc il faut éviter de dire que Marie est dispensatrice de la grâce et on comprend qu’elle n’est pas non plus mère de la grâce et même si ce n’est pas dit explicitement.
Et là encore, aucune citation des auteurs précédents n’est faite. Ils sont simplement nommés (lorsqu’ils le sont). La seule véritable justification est la répétition de Jésus unique source de la grâce qui n’a besoin d’aucun intermédiaire pour les accorder. Que vaut une telle affirmation devant le nombre de textes qui affirment à peu près exactement le contraire ?
Si certaines apparitions apparemment non reconnues exagèrent. Mais les vraies le font-elles ? Aucun exemple n’est donné, ce qui donne l’impression d’une pétition de principe. Se préoccupe des apparitions non reconnues (n° 2). Était-il nécessaire de faire un document si long pour cela ?
NON REPRIS
Terminologie moderne : Pâques au lieu de Passion, Plus grave Rachetée xx foix, coopération au lieu de co-rédemption.
Croyants 37 au lieu de fidèle. 17 Langage un peu moderniste (cf après)
Quelques bizareries œcuménisme.
Pas de citations, sauf en note et rarement
Dans la note 32 (pourquoi avoir mis en note cette précision très importante ?), la note précise trois sens possibles du terme Co-rédemptrice par rapport à la Rédemption :
- une conception maximaliste dans laquelle Marie a une action « directe et immédiate », les mérites de Marie, bien que subordonnés à ceux du Christ, ayant une valeur rédemptrice réelle pour notre salut ;
- une conception minimaliste, limitée au “oui” de l’Annonciation qui a rendu possible l’Incarnation, sans laquelle la Rédemption n’aurait pas pu avoir lieu ;
- une conception intermédiaire, par acceptation des fruits du sacrifice rédempteur du Sauveur.
le Saint-Siège ne cherche pas à restreindre la dévotion à la Vierge Marie, mais à lui rendre sa justesse théologique et spirituelle.
certaines expressions de piété populaire peuvent parfois glisser vers l’excès ou la confusion, le document rappelle que la grandeur de Marie réside précisément dans son humilité, dans ce « oui » silencieux qui ouvre à l’action de Dieu. Loin d’un discours de rupture, la Note propose une herméneutique de continuité
Co-rédemptrice, explicitement rejeté pour un usage liturgique/de dévotion car il risque, dit la Note, d’impliquer l’égalité avec le Christ ; Médiatrice de toutes les grâces qu’il ne faudra pas utiliser dans les textes officiels car il est trop absolu et qu’il manque de consensus magistériel ; Avocate du peuple de Dieu qui est autorisé uniquement dans des contextes limités.
Pas médiatrice, car La raison ici est que Marie aussi a été rachetée par la grâce, et comme nous l’enseigne la définition de l’Immaculée Conception, cette rédemption était une grâce conservatrice13cela s’est produit à son premier instant, elle n’aurait donc pas pu médiatiser cette grâce.
La note fait souvent référence aux textes précédents sans jamais les citer. Il nous semble important de rappeler ce qu’enseigne la tradition, même si c’est un peu long.
On vu que les choses changent après Pie XII. Vatican II refuse de parler de Médiation. Paul VI y était opposé. Jean-Paul n’a pas un avis aussi tranché et l’a utilisé au moins 7 fois jusqu’à ce que la CDF juge cette façon de faire impropre. Si une fois pape, Ratzinger n’a rien dit de plus que ce qu’il a dit comme président de la CDF, François l’a refusé 3 fois. On voit donc une évolution d’une acceptation générale à un refus des derniers papes.
