Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Notre-Dame, le 13 juillet 1917
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Méditation sur le 1er mystère glorieux 

Tirée de L’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu
de Dom Paul Delatte, osb

 

LA RÉSURRECTION


Les saintes femmes observèrent pieusement le repos, sabbatique ; mais le lendemain, premier jour après le sabbat, premier jour de la semaine nouvelle, elles vinrent au tombeau, dès avant l’aurore, avec les parfums qu’elles avaient achetés, se proposant de les répandre sur le corps du Seigneur. C’étaient Marie de Magdala, l’autre Marie, mère de Jacques, Salomé, Jeanne, femme de Chues, et d’autres encore (Lc., XXIV, 10). Saint Marc et saint Luc en nomment trois, saint Matthieu deux, tandis que saint. Jean, nous le verrons, ne s’occupe que de Marie-Madeleine.

Parties de Jérusalem de très bon matin, les saintes femmes arrivèrent près du tombeau au soleil levant : l’aube est brève à Jérusalem ; il pouvait être six heures environ. Pendant le trajet, elles se disaient entre elles : « Qui roulera pour nous la pierre hors de la porte du tombeau ? » Mais elles marchaient quand même, n’obéissant qu’à leur amour. Elles n’ont point de souci des gardes ; car cette précaution, des pharisiens a. été prise à leur insu. Le récit de saint Marc est très vivant et très précis. Celui de saint Matthieu pourrait faire croire, de prime abord, que les saintes femmes arrivèrent juste à point pour assister aux, phénomènes qui accompagnèrent la résurrection ; mais il doit être interprété en tenant compte des procédés littéraires habituels au premier évangéliste. Saint Matthieu veut simplement nous apprendre l’état des personnes et des choses lorsque parurent Madeleine et ses compagnes. Au lever du jour, le Seigneur était ressuscité d’entre les morts ; il était sorti invisiblement du tombeau. Une grande secousse avait ébranlé la région du sépulcre. L’ange du Seigneur, descendant du ciel, avait fait rouler la pierre qui, fermait l’entrée, et s’était assis dessus. Son visage brillait comme l’éclair et son vêtement était blanc comme la neige. À sa vue, les gardes avaient tremblé d’épouvante et, terrifiés, avaient pris la fuite.

Les saintes femmes, en approchant, constatent que, la pierre, trop lourde pour leurs forces, avait été roulée à côté de la porte. Elles entrent dans la chambre sépulcrale, pensant y trouver le corps du Seigneur Jésus. Un instant, elles cherchent, avec anxiété. Soudain, elles aperçoivent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d’une robe resplendissante. (Saint Luc met en scène deux anges, comme saint Jean, XIX, 12.) Éblouies, saisies de stupeur, les femmes baissent les yeux et n’osent regarder. Mais l’ange les rassure ; l’effroi n’est aujourd’hui que pour les ennemis de Dieu. « Ne craignez point, vous, leur dit-il. Je sais que vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié. Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est pas ici : il est ressuscité. Voyez la place où l’on avait déposé. Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit jadis en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains d’hommes pécheurs, qu’il soit crucifié et ressuscite le troisième jour. (Mt., XVII, 21.22 ; XX, 18.19 ; Mc., IX, 30 ; Lc., IX, 44.) Allez promptement annoncer à ses disciples et à Pierre qu’il est ressuscité des morts, et qu’il vous conduira en Galilée (la Vulgate a donné au verbe grec le sens de « précéder ») : C’est là que vous le verrez, comme il vous l’a prédit. » (Mt., XXVI, 32 ; Mc., XIV, 28)

L’ange s’accréditait auprès des saintes femmes en leur parlant de la sorte ; il se montrait familier à ce qui concernait le Seigneur, bien renseigné sur les instructions qu’il avait laissées aux apôtres. Sa parole était lumineuse et simple. Pourtant, les femmes ne parviennent pas sur-le-champ à dominer leur émotion ; elles sortent aussitôt du tombeau, dit saint Marc, tremblantes et hors d’elles-mêmes ; elles ne disent rien aux personnes amies qu’elles rencontrent sur la route : car elles ont peur. Mais les déclarations angéliques s’étaient gravées dans leurs âmes ; elles y cheminaient peu à peu, substituant à la terreur une grande joie. Les prédictions du Seigneur leur revenaient à la mémoire et s’éclairaient à la lumière des événements. En hâte, elles s’acquittèrent de leur message auprès des disciples. Nous verrons plus loin l’accueil qui leur fut fait.

Le premier jour de la semaine, dit saint Jean, Marie de Mag­dala se rendit, avant l’aube, au tombeau. Sans doute on peut supposer que les saintes femmes n’y allèrent pas toutes en­semble, mais par petits groupes ou même isolément, et qu’il y eut, ce matin-là, bien des allées et venues de Jérusalem au sé­pulcre. Et il est vraisemblable que saint Jean met en scène la seule Marie-Madeleine parce qu’elle vint seule, et la première, au tombeau. Dès son arrivée, elle vit la pierre déplacée et re­connut que le sépulcre était vide. Et tandis que les autres sain­tes femmes approchaient à leur tour, Marie rebroussa chemin, afin de porter la nouvelle aux deux apôtres qui avaient un titre spécial à être avisés : Simon Pierre et le disciple que Jésus aimait. Marie vint leur dire : « On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons où on l’a mis ! » (Ce pluriel sup­pose peut-être la présence des autres saintes femmes.)

En toute hâte, les deux disciples se rendent au sépulcre. En­semble ils courent, mais saint Jean, le plus jeune, devance Pierre et arrive le premier. Il s’incline pour observer l’inté­rieur du tombeau, voit les bandelettes déposées sur le sol, mais n’entre pas. Est-ce parce qu’il juge son, inspection suffisante ? ou bien veut-il réserver à Pierre, par une déférence affectueuse, l’honneur d’entrer le premier ? On peut supposer aussi une part d’anxiété, selon cette disposition du cœur humain qui nous porte à retarder notre joie, à trembler devant notre bon­heur : on craint qu’il n’y ait mécompte, et qu’il ne faille ensuite revenir en arrière. Saint Grégoire, fidèle à son point de vue allégorique, estime que saint Jean’ représentait la Syna­gogue et saint Pierre le peuple des gentils. Bientôt, Pierre arri­va ; et il entra, lui : un simple coup d’œil ne lui suffisait pas. Il explora avec attention la demi-obscurité du sépulcre, il aper­çut les bandelettes, et une conclusion lui vint tout naturelle­ment à l’esprit. Ceux qui auraient voulu s’emparer du corps l’eussent à coup sûr pris tel quel, sans se donner la peine très superflue de dérouler les bandelettes et de les ranger avec soin. Bien plus : le suaire qui couvrait la tête du Seigneur était plié à part, dans un angle du sépulcre. Il n’y avait donc ni larcin, ni trace de précipitation quelconque. La main des anges, qui avait roulé la pierre, après la résurrection, avait aussi recueilli et rangé avec respect les linges qui enveloppaient les membres sacrés du Sauveur. Sans doute saint Pierre fit observer à saint Jean tous ces détails. Le disciple bien-aimé entra à son tour ; il vit et il crut.

Jusqu’alors, dit l’évangile, ils n’avaient pas compris le sens de l’Écriture, là où elle nous apprend qu’il faut que le Christ ressuscite d’entre les morts. Ils savaient ce que c’est que résur­rection : il y en avait des exemples dans l’Ancien Testament, et déjà dans le Nouveau ; à plusieurs reprises, ils avaient enten­du leur maître annoncer sa Passion et sa Résurrection le troi­sième jour ; mais leur intelligence n’apercevait pas la liaison des souffrances et de la gloire, les souffrances comme condition de la gloire, l’héritage acquis au Fils de Dieu par ses douleurs. La trame de la pensée divine leur apparut alors. Sans peut-être comprendre le mystère comme saint Paul devait l’exposer dans la suite, ils donnèrent son vrai sens à un ensemble de paroles et d’événements inexpliqués, pour eux jusqu’alors, et se repo­sèrent sur Dieu de l’accomplissement ultérieur. À vrai dire, saint Jean ne nous parle explicitement que de la lumière qui lui fut donnée ; mais on peut conjecturer de son récit que saint Pierre commença dès lors à croire ; saint Luc (XXIV, 12) nous le montre s’en retournant étonné et pensif.

Les deux disciples rentrèrent chez eux, n’attendant pas que le sépulcre vide leur révélât son secret. Mais celle qui les avait avertis, Madeleine, était revenue et se tenait en pleurs près du tombeau. Au milieu de ses larmes, elle s’inclina pour regarder, comme saint Jean, à l’intérieur de la salle funéraire. Et elle vit deux anges vêtus de blanc, l’un à la tête, l’autre aux pieds de l’endroit où avait été placé le corps de Jésus. Peut-être n’y a-t-il rien qui soit aussi extatique que la douleur : ni la joie, ni l’ad­miration, ni même la tendresse ne le sont au même degré. Il n’y avait au monde pour Marie-Madeleine que le Seigneur. Le Seigneur était mort et son corps avait disparu. Le reste ne compte pas. Elle n’éprouve aucun, effroi en face des anges, alors que les autres saintes femmes s’étaient enfuies boulever­sées. Que pourrait-il lui arriver, maintenant que le Seigneur n’est plus ? Elle est inattentive : elle voit les anges, mais ce sont eux qui parlent les premiers. « Femme, disent-ils, pour­quoi pleurez-vous ? » La réponse est polie, mais sobre ; elle n’a rien de la verbosité familière au sexe : « C’est qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. » C’est exacte­ment ce qu’elle a dit aux apôtres ; elle ne sait plus dire ni penser autre chose. La formule de réponse est presque indirecte, sans appellatif adressé aux anges ; elle pourrait être aussi bien une réflexion de Marie-Madeleine se parlant à elle-même... Il n’était pas possible que le Seigneur se dérobât à tant d’amour : il se rendit présent.

Comment Marie-Madeleine fut-elle avertie de sa présence ? Y eut-il un bruit de pas ? Les anges avaient-ils donné un signe d’attention ou de respect à celui qui venait d’apparaître ? Quoi qu’il en soit, Marie se retourna. Jésus était là, devant ses yeux : elle ne le reconnut pas. Même après sa résurrection, le Seigneur n’était pas contraint de paraître avec l’auréole. Il demanda lui aussi, comme, les anges : « Femme, pourquoi pleurez-vous ? qui cherchez-vous ? ». Les larmes de Madeleine, ses réflexions, sa douleur, ne lui permettaient pas de bien voir ; elle crut que c’était le jardinier, le gardien de cette petite propriété où était le tombeau. Il est si régulier, lorsque le Sei­gneur se montre, que les âmes ne le reconnaissent pas ! C’est un fantôme ; c’est Élie ; c’est Jérémie ; c’est un prophète ; c’est le jardinier ; c’est un étranger, diront les disciples d’Emmaüs.

Le jardinier, du moins, doit savoir. C’est peut-être lui qui, pour éviter des allées et venues trop fréquentes dans son jar­din, aura emporté le corps ailleurs. L’hypothèse est bien in­vraisemblable, en face surtout du suaire et des bandelettes ; mais ceux qui aiment et ceux qui souffrent songent-ils toujours à écarter l’invraisemblable ? Madeleine suppose, en tout cas, que rien n’a pu se faire qu’avec le gardien et moyennant sa complicité. Il lui a demandé : « Qui cherchez-vous ? » Elle est tellement préoccupée du seul Jésus, qu’elle ne songe même pas à prononcer son nom, et répond comme si le jardinier était sûrement au courant de tout. Puisqu’il a témoigné de la compassion, peut-être consentira-t-il à dire son secret : et alors que, tout à l’heure, Madeleine ne donnait aucun appellatif aux anges, voici maintenant quelle décerne le titre de seigneur au jardinier : « Seigneur, si c’est vous qui l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez déposé, et je l’emporterai ! » Ce mort était un ennui pour vous ; vous ne l’aimiez pas, vous ; mais moi qui l’aime, je l’emporterai, il ne vous gênera plus... Ô sainte folie de l’amour ! Le cœur du Seigneur n’y résiste point. Celle qu’il venait d’appeler d’un terme vague, il l’appelle maintenant de son nom : « Marie ! » Peut-être était-ce la coutume à Béthanie, dans l’intimité. Elle se retourne alors pour tout de bon, reconnaissant la voix, et répond : « Rabboni, mon Maître ! » Et elle tombe à ses pieds, son lieu d’élection pour le temps et l’éternité.

Le verset qui suit a été fort tourmenté par les exégètes et les maîtres de la vie spirituelle. Assez universellement, après saint Augustin, saint Jean de la Croix, Bossuet, on a considéré le Noli me tangere comme un mouvement de protestation contre des témoignages d’une tendresse trop extérieure. Le Seigneur, appartenant désormais à une vie nouvelle et plus haute, aurait écarté de lui des manifestations qui ne s’accordaient plus avec les conditions de sa vie ressuscitée. Ses paroles impliqueraient donc une injonction adressée à Marie-Madeleine de se tenir à distance, et l’invitation de s’élever à une charité plus spirituelle, plus affranchie des sens. Cette explication, nous l’avouons, nous a toujours paru très loin de, l’évangile. II nous semble, d’abord, que le Seigneur ne saurait être pour nous ni un danger, ni un piège, ni un obstacle. II n’est pas de condition surnaturelle où nous puissions, où nous devions nous détourner de l’humanité du Seigneur, ni nous distraire de sa beauté. Sans, doute, le Seigneur conduit chacun de nous par des voies diverses ; sans, doute, il y a lieu, selon les différentes étapes de notre vie spirituelle et sous la direction de la grâce, de nous porter vers tels ou tels, mystères, vers telle ou telle portion de la doctrine : mais exclure systématiquement et de parti pris, exclure de notre oraison, et de notre contemplation soit la divinité, soit l’humanité du Seigneur, soit la Sainte Vierge, ceci est irrégulier e ne peut conduire qu’à l’illusion.

Nous savons bien ce qu’on répondra : « Le danger n’est pas dans l’objet, mais dans le sujet. C’est peut-être dans le procédé selon lequel sainte Madeleine était attachée au. Seigneur qu’il y avait matière à correction. » Ceci non plus ne parvient pas à nous satisfaire. Est-il vrai qu’on puisse aimer mal le Seigneur ? On peut l’aimer trop peu ; mais l’aimer mal ? Dans les trois circonstances évangéliques où le Seigneur eut l’occasion d’apprécier l’amour de Madeleine, il l’a loué sans réserve. Le Seigneur aurait-il changé ? Nous verrons bientôt qu’il n’en est rien. Quant à Marie-Madeleine, tout ce qui s’est passé ces derniers jours n’a fait qu’accroître jusqu’à l’extrême sa charité. Il faut donc renoncer à interpréter la parole de Jésus comme un reproche, même voilé : n’aurait-il pas, dans la circonstance, l’apparence d’une cruauté ?

Aussi bien, le texte lui-même, s’il est lu attentivement, nous semble exclure cette interprétation. Au cours de toutes les apparitions, le Seigneur a eu le visible souci d’établir le fait de sa résurrection ; et, dans ce dessein, il a invité les apôtres à s’assurer qu’ils n’étaient point en présence d’un fantôme. Ceci posé, le Noli me tangere, entendu au sens du mot-à-mot, devient inintelligible, — surtout pour celle dont il veut faire l’apôtre des apôtres eux-mêmes. Une interdiction de cette nature aurait facilement fait douter de la réalité de la résurrection et suggéré l’erreur docétiste.

Mais ce qui nous paraît décisif contre l’explication courante, c’est ce qui suit : Nondum enim ascendi. La conjonction enim indique une liaison logique entre le premier membre et le second : « Ne me touchez pas, parce que, ou puisque je ne mils pas encore monté vers mon Père. » Avec l’interprétation que nous écartons, on est conduit, logiquement, à ce raisonnement plutôt étrange : « Aujourd’hui que je suis avec vous, ne me touchez pas ; bientôt vous me toucherez, lorsque je n’y serai plus ; ajournez vos démonstrations jusqu’à l’heure où vous ne pourrez plus vous y livrer, puisque j’aurai disparu. » II faut reconnaître, d’ailleurs, que les commentateurs nous répondent : le Seigneur sera alors vraiment touché, appréhendé, possédé « par la foi » !

Mais les vraisemblances, le caractère du texte et du contexte, tout nous invite à adopter une explication plus simple. Madeleine a retrouvé le Seigneur (Cant., ni, 4). Dans l’effusion de sa tendresse et de sa joie, elle s’attache à lui, mais en quelque sorte désespérément, et semble ne plus vouloir quitter ces pieds bénis où elle a trouvé autrefois la conversion et le pardon, aujourd’hui la consolation souveraine. Le Seigneur ne s’y oppose pas ; silencieux, il laisse un instant toute liberté à l’amour de Madeleine. Et lorsqu’il reprend la parole, c’est pour lui indiquer, affectueusement, qu’il y a autre chose à faire : « Non, ne vous attachez pas à moi comme pour me retenir, comme si vous deviez me perdre aussitôt, comme si cette entrevue était la dernière. Nous aurons l’occasion de nous revoir, car l’heure n’est pas venue encore pour moi de remonter à mon Père. Mais elle viendra ; et au lieu de demeurer ici, allez dire à mes frères : Je monte vers mon Père, qui est votre Père, vers mon Dieu, qui est votre Dieu. » Le Seigneur n’a donc pas changé : c’est toujours la même tendresse, la même intimité qu’au soir de la Cène.

Marie-Madeleine, comme tous ceux qui aiment, se prête, aussitôt à sa volonté. Elle quitte le Seigneur, et s’en va vers les disciples, non pas seulement vers les apôtres, mais vers tous ceux qui, avant la Passion, paraissaient attachés à Jésus ; et elle leur annonce : « J’ai vu le Seigneur et il m’a dit ceci. » — L’apparition à Marie-Madeleine est la première dont fassent mention, les évangiles ; mais la piété chrétienne a deviné, dès l’antiquité que le Seigneur s’était montré premièrement à sa Mère... Étant donné le caractère tout privé de cette rencontre, on s’explique que les évangélistes, qui rédigeaient un récit officiel et avec un dessein d’enseignement dogmatique, aient jugé superflu de la raconter.

Il nous faut revenir un peu en arrière, pour retrouver les autres saintes femmes : Marie, mère de. Jacques, Salomé, Jeanne et leurs compagnes, alors que, sur l’invitation des anges, elles s’en vont trouver les onze apôtres, et leur racontent tout ce qui s’est passé. Mais leurs discours parurent récits de gens en délire, et ne méritant aucune foi. II n’y avait donc chez les familiers du Seigneur nul enthousiasme qui les fît attendre ou espérer la résurrection. On voit aussitôt combien de tels aveux sont précieux pour l’apologiste : l’incrédulité persévérante des disciples réfute par avance l’affirmation rationaliste selon laquelle la résurrection serait simplement un rêve du fanatisme, de la naïveté, de l’hallucination. — Le témoignage de Marie-Madeleine, dit saint Marc (XVI, 10-11), n’eut pas plus de succès que celui de ses compagnes. Cependant, saint Luc rappelle que Pierre se leva et courut au tombeau ; s’étant penché pour regarder, il ne vit plus que les linges, et s’en retourna chez lui, dans l’admiration de ce qui était arrivé. C’est sans doute l’abrégé de ce que nous a dit saint Jean.

Les saintes femmes s’éloignaient, leur mission terminée, lorsque Jésus leur apparut et, venant au-devant d’elles, les salua le premier. Elles s’approchèrent, se prosternèrent à ses pieds et les embrassèrent. Alors Jésus leur dit : « Ne craignez point. Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » Le message est en substance identique à celui qui a été donné par l’ange, selon saint Matthieu et saint Marc. À quel moment eut lieu cette nouvelle apparition ? Après que les femmes eurent quitté les disciples, semble-t-il ; sinon elles leur auraient dit, comme Madeleine : « Nous avons vu le Seigneur. » II est à noter que les disciples d’Emmaüs connaissent seulement les pèlerinages des saintes femmes et de quelques disciples au tombeau vide ; ils n’ont encore entendu parler d’aucune apparition du Seigneur (Lc., XXIV, 22-24).

C’est après cette rencontre de Jésus et des saintes femmes, nous dit saint Matthieu, que, parmi les gardiens du tombeau, quelques-uns rentrèrent à Jérusalem et racontèrent aux princes des prêtres tout ce qui s’était passé. Les prêtres et les anciens se réunirent alors en conseil ; ils prirent le parti d’étouffer la chose et d’acheter le silence et la complicité des gardes. On leur offrit une forte somme et on leur suggéra de dire :

« Les disciples de Jésus sont venue la nuit, et l’ont emporté pendant que nous dormions. » Et si la nouvelle de cette prétendue soustraction parvient aux oreilles du procurateur, – à qui appartenait le corps du supplicié et qui l’avait abandonné à la garde du sanhédrin, – il est promis aux gardiens qu’ils ne seront pas inquiétés. La loi romaine était d’une sévérité extrême contre la corruption et la vénalité des gardiens (Act., xvi, 27-28). Soyez sans inquiétude, disent les sanhédrites, « nous apaiserons Pilate et vous abriterons contre toute poursuite ». Peu scrupuleux, les soldats reçurent l’argent et répétèrent la leçon suggérée. Cette histoire d’un enlèvement furtif, conclut l’évangéliste, s’est répandue parmi les Juifs et elle y a circulé jusqu’à ce jour. Saint Justin leur reprochera d’avoir organisé par toute la terre un véritable colportage de calomnies, pour contester la résurrection et l’ascension du Seigneur.

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