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Méditation pour le 4e mystère glorieux

ImprimerTirée des Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

DU GLORIEUX PASSAGE AU CIEL DE LA VIERGE NOTRE-DAME.

I. — Les désirs

1) Considérons comment la très sainte Vierge, surtout dans les dernières années de son pèlerinage, éprouvait les désirs enflammés de voir Dieu et d'être réunie à son Fils. Ces désirs ne provenaient pas d'un dégoût de la vie présente, ni de l'ennui des peines attachées à la condition de l'homme sur la terre, mais d'un amour extrêmement pur de son Seigneur. Lorsque cet amour a grandi dans une âme, elle soupire sans cesse après son Bien-aimé, et ne peut trouver loin de lui aucun repos. Comme Marie était très versée dans la connaissance des saintes Lettres, elle empruntait souvent aux auteurs inspirés des passages conformes aux sentiments de son cœur. Tantôt, se parlant à elle-même, elle disait avec David : Hélas ! que mon exil est long ! J'ai passé bien des années parmi les peuples de Cédar ; il y a longtemps que mon âme est en ce monde comme dans un lieu de bannissement. Tantôt se tournant vers Dieu, elle lui disait : Comme le cerf altéré soupire après les eaux des fontaines, ainsi mon âme soupire après vous, Seigneur. Mon âme est altérée du Dieu fort, du Dieu vivant. Quand irai-je à lui ? Quand paraîtrai-je devant sa face ? Tirez mon âme de la prison de ce corps, afin que je bénisse votre nom. Les justes attendent que vous me donniez la couronne de justice que vous m'avez promise. Tantôt s'adressant aux anges qui la visitaient, elle leur répétait ces paroles des Cantiques : Je vous en conjure, heureux habitants de la Jérusalem céleste, vous qui voyez mon Bien-Aimé, dites-lui que je languis d'amour, que mon âme est dans la défaillance, et que ma chair est trop faible pour supporter le désir véhément que je ressens de le voir et de jouir de sa présence.

2) Il est aussi à croire qu'il s'élevait parfois dans l'âme de Marie, comme dans celle du grand Apôtre, un saint combat entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain. D'un côté, l'amour de Dieu faisait valoir les avantages qu'il y avait pour elle à sortir de ce monde pour être avec Jésus-Christ ; de l'autre, l'amour du prochain la sollicitait de demeurer encore sur la terre pour le bien de l'Église naissante. Comme donc la Vierge n'avait point d'autre volonté que celle de Dieu, et qu'elle avait résolu avant tout de lui obéir en toutes choses, elle lui disait ce que saint Martin dit depuis dans une pareille circonstance : Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail ; que votre volonté se fasse.

Ô Vierge incomparable, qui n'avez été vaincue ni par le travail, ni par la mort ; qui n'avez ni appréhendé de mourir, ni refusé de vivre, parce que vous n'avez jamais eu d'autre volonté que d'accomplir le bon plaisir du Seigneur ; obtenez-moi la grâce de vous imiter dans votre résignation parfaite et dans vos saints désirs, de souhaiter la mort avec joie, et de supporter la vie avec patience.

3) Lorsque la Vierge sentit qu'il ne lui restait plus que peu de jours à passer sur la terre, elle commença avec une nouvelle ferveur à se préparer à son dernier voyage. Elle s'appliqua plus que jamais à pratiquer des actes très relevés de toutes les vertus. Elle répétait ces paroles de l'épouse des Cantiques : Soutenez-moi avec des fleurs, environnez-moi de fruits ; car je languis d'amour. Elle semble s'adresser aux puissances de son âme, et leur dire : La force de l'amour me consume ; soutenez-moi dans ma langueur, produisez de nouvelles fleurs et de nouveaux fruits ; c'est-à-dire, fortifiez-moi par de saintes pensées, par de pieuses affections, par des actes de diverses vertus, qui allègent mon mal et me disposent à mon heure suprême.

Pour nous préparer à la mort, nous devons imiter la sainte Vierge en ces trois points : Exciter dans notre âme de très ardents désirs de voir Dieu, nous résigner pleinement à sa volonté adorable, et faire de notre mieux des actes des principales vertus chrétiennes, redoublant de ferveur quand nous penserons que le moment de notre départ est proche. Car celui-là n'est pas exempt de faute qui ne désire qu'avec tiédeur de voir Dieu et d'entrer en possession de la béatitude éternelle. Aussi lisons-nous qu'il y a dans l'autre vie un purgatoire spécial, appelé de désir, où sont détenues les âmes qui n'ont souhaité que faiblement le bonheur d'être avec leur souverain Seigneur pendant toute l'éternité.

II. — Les derniers jours.

Considérons, en second lieu, les choses les plus remarquables qui se sont passées dans les jours qui précédèrent la mort de Notre-Dame.

1) Bien que Dieu l'eût préservée du péché originel, il ne voulut pas néanmoins l'exempter de la mort corporelle, qui est la peine de ce péché. Il voulut qu'elle la souffrît aussi bien que les autres hommes, pour faire voir que l'arrêt de mort porté contre les enfants d'Adam était général et irrévocable. D'ailleurs, la raison demandait sa mort, pour imiter son divin Fils, mort sur la croix pour remédier à nos maux. C'était, de plus, pour elle un sujet de mérites abondants de surmonter la répugnance naturelle que tout homme a de quitter la vie ; car, comme dit saint Paul, nous ne voulons pas être dépouillés de notre corps, mais nous désirerions, s'il était possible, être revêtus de l'immortalité bienheureuse sans passer par la mort. Enfin, il lui fallait nous donner en mourant de rares exemples de vertu, et nous apprendre par expérience à compatir aux agonisants, dont elle devait être l'avocate et la protectrice.

Nous trouverons dans la mort de la Vierge un motif solide de confiance pour la supplier de vouloir bien nous assister à nos derniers moments ; nous la prierons de nous accorder quelques-unes des grâces dont elle fut alors comblée, et nous lui dirons avec ferveur ces paroles de la Salutation angélique : Priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant, et à l'heure de notre mort ; ou ces autres d'une hymne de l'Église : Marie, mère de grâce, mère de miséricorde, défendez-nous contre l'ennemi, et recevez-nous à l'heure de la mort.

2) Le jour étant venu où l'auguste Vierge devait passer de la terre au ciel, son divin Fils envoya saint Gabriel lui en porter la nouvelle. L'archange vint à elle avec un visage rayonnant, comme lorsqu'il lui annonça le mystère de l'Incarnation ; et il est probable qu'il la salua dans les mêmes termes, lui disant : Je vous salue, ô pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes, à cause du fruit béni que vous avez porté dans vos chastes entrailles. Je viens vous apprendre de sa part que l'heure est enfin arrivée, en laquelle il a résolu de vous appeler à lui, de récompenser vos services, et de combler les vœux des habitants de la cour céleste, qui ont un extrême désir de vous posséder, et de vous voir en leur compagnie. Oh ! qui pourrait exprimer quels sentiments sublimes produisit cette heureuse nouvelle dans le cœur de Notre-Dame ! D'une part, elle redisait dans un transport de joie ces paroles de David : Je me suis réjouie de cette promesse que l'on a fait entendre à mes oreilles : Nous irons dans la maison du Seigneur. De l'autre, elle répondait à l'Ange avec la même soumission qu'autrefois : Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole.

Entrons dans ces deux sentiments, et efforçons-nous de les garder au fond de notre cœur. Ils nous seront nécessaires quand on nous fera connaître que le moment de notre mort est proche ; car Dieu veut que nous recevions cette nouvelle avec résignation et avec joie.

3) Considérons comment les apôtres et plusieurs autres disciples vinrent miraculeusement à Jérusalem assister aux derniers moments de la Vierge. Ce qui arriva plutôt pour leur utilité propre que pour la consolation de Marie, quoiqu'elle en ressentît une bien sensible de les voir encore une fois avant de sortir de ce monde. Tous pleuraient la perte qu'ils allaient faire et se recommandaient à ses prières. Pour elle, elle les consolait et leur donnait des conseils salutaires. À l'imitation de son Fils, elle pria pour eux, leur donna avec effusion de cœur sa bénédiction, et leur promit qu'elle serait leur avocate dans le ciel.

Ô Mère pleine de douceur, vous partez pour la véritable patrie, et vous nous laissez orphelins dans le lieu de notre exil. Mais, puisque vous nous donnez l'assurance que vous nous protégerez du haut des cieux, nous n'avons rien à craindre sur la terre. Nous y consentons, montez dans la gloire ; votre bénédiction nous est un gage que nous y monterons après vous, et que nous jouirons en votre compagnie de la présence de votre adorable Fils, dans les siècles des siècles.

III. — L'heureuse mort.

1) Considérons comment, l'heure étant arrivée, Jésus-Christ Notre-Seigneur descendit du ciel, et vint au-devant de sa Mère bénie, accomplissant à son égard ce qu'il avait dit à ses apôtres : Quand je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai vers vous, et je vous emmènerai avec moi. Il était accompagné d'une multitude innombrable d'anges qui venaient honorer les derniers moments de leur Reine, et chasser les malins esprits loin de sa demeure. Oh ! que les paroles du Fils à sa Mère furent douces et consolantes ! Nous ne pouvons mieux nous les imaginer qu'en nous rappelant celles que nous lisons dans le Cantique des Cantiques. Il lui dit donc avec un amour inexprimable : Levez-vous, hâtez-vous, ma bien-aimée, ma colombe, belle entre toutes, et venez. Car l'hiver a passé, les pluies ont cessé, je vous annonce la fin de vos travaux. Venez, mon épouse, venez du Liban, de ces montagnes élevées et fertiles qui représentent vos vertus. Sortez de ce monde, repaire de lions et de tigres ; venez au plus tôt, et vous recevrez de ma main la couronne de justice que vous avez si bien méritée.

De son côté, la Vierge, voyant son Fils, et entendant ce qu'il lui disait au fond du cœur, le pria sans doute, avec la charité immense dont elle était remplie, de consoler ses apôtres et ses autres disciples, et de répandre sur eux l'abondance de ses bénédictions. Puis, se rappelant les paroles que Jésus avait adressées à son Père au moment de rendre le dernier soupir, elle lui dit :

Ô Sauveur des hommes, qui êtes mon Père en tant que Dieu, et mon Fils en tant qu'homme, je remets mon âme entre vos mains. Et en prononçant ces mots, elle expira. La mort des saints est précieuse devant Dieu, dit le Psalmiste combien dut être précieuse devant le Seigneur Jésus la mort de sa très sainte Mère !

2) Considérons les principales circonstances de l'heureuse mort de l'auguste Marie.

En premier lieu, elle mourut, non de quelque maladie naturelle, mais de l'ardeur excessive de l'amour divin qui consuma toutes ses forces. Elle pouvait donc dire que l'amour l'avait rendue languissante, qu'il lui avait fait une plaie au cœur, et qu'il allait séparer son âme d'avec son corps ; mais qu'il la réunirait bientôt à celui qu'elle aimait uniquement, et dont elle avait elle-même blessé et ravi le cœur.

En second lieu, elle mourut sans douleur. Son divin Fils jugea qu'elle avait assez souffert en le voyant mourir sur la croix. Du reste la présence de son Bien-aimé la comblait d'une joie si pleine, qu'elle ne sentit pas son âme se séparer de son corps, suivant cette parole du Sage : Le tourment de la mort n'atteindra pas le juste ; son âme est entre les mains de Dieu.

En troisième lieu, ses œuvres si saintes, si nombreuses, et d'un mérite presque infini, se réunirent comme une garde d'honneur pour l'accompagner jusqu'au ciel. Dieu daigna lui en donner une connaissance claire et la remplit, par cette faveur, de confiance et d'allégresse. Si les justes qui meurent dans le Seigneur sont heureux, parce que leurs œuvres les suivent, quel sera le bonheur de celle qui mourut en Jésus-Christ, de pur amour pour Jésus-Christ, entourée d'une multitude prodigieuse d'œuvres saintes et héroïques ! Si le serviteur que son maître trouve veillant est heureux, combien sera heureuse la Mère de Dieu, qui ne s'est jamais endormie, ni d'un profond sommeil, comme les vierges folles, ni même d'un sommeil léger, comme les vierges sages ; mais qui a veillé constamment jusqu'à la venue de l'époux ! Enfin, si le juste, comme l'affirme le Sage, espère au jour de sa mort, quelle assurance ne doit pas avoir en ce dernier jour la Reine des justes ! Plaise à Dieu que je meure comme celle qui mérite par excellence le nom de juste, et puisse ma fin ressembler à la sienne !

Ô Vierge sainte, pour que ma mort soit en quelque manière semblable à la vôtre, faites que je vive toujours avec le trait de l'amour dans le cœur ; aidez-moi à faire un si grand nombre de bonnes œuvres, que le tourment de la mort ne me touche point. Il est conforme à la justice que j'en ressente les douleurs dans mon corps ; c'est une peine que j'ai méritée par mes péchés ; mais ne permettez pas que ces douleurs passent jusqu'à mon âme, et qu'elles l'affligent par une crainte démesurée, par découragement et manque de confiance en la divine bonté.

IV. — Les funérailles.

1) Lorsque la Vierge eut rendu le dernier soupir, on ensevelit son corps et on le porta au sépulcre avec une pompe qui n'avait rien de funèbre. Le ciel et la terre se réunirent pour la rendre plus magnifique ; en sorte que nous pouvons dire avec le prophète Isaïe que son sépulcre tut glorieux. En effet, tout ce qu'il y avait de plus considérable dans l'Église militante et dans l'Église triomphante, contribua à honorer ses obsèques. Les apôtres et un grand nombre de disciples marchaient autour du saint corps en chantant, par un mouvement de l'Esprit divin, des hymnes en l'honneur de Dieu et de sa glorieuse Mère. D'un autre côté, la tradition nous apprend que les chœurs des anges suivaient le convoi, et qu'ils demeurèrent trois jours entiers dans le sépulcre, ne cessant de faire retentir les airs d'une musique céleste, et glorifiant à l'envi la Reine du ciel.

2) Le tombeau de la Vierge fut glorieux par les nombreux miracles que Dieu opéra pour honorer ce corps sanctifié par la présence du Verbe incarné. Car, bien que Marie n'ait point, à la connaissance des hommes, fait de miracles pendant sa vie, soit par humilité, soit pour laisser cette gloire aux apôtres et aux prédicateurs de l'Évangile, soit enfin parce que toute sa vie fut un miracle perpétuel, plus surprenant que la vie de saint Jean-Baptiste ; après sa mort néanmoins, son Fils voulut rendre sa mémoire célèbre par divers prodiges, comme il l'a fait pour d'autres saints.

3) Ce sépulcre fut glorieux, parce que, tout en accordant, ce qui est certain, que les apôtres et les disciples furent profondément affligés de la mort de leur Reine et de leur maîtresse ; il est cependant probable que Notre-Seigneur leur fit dès lors connaître sa gloire, et qu'il remplit leur cœur de consolations spirituelles, dans la pensée qu'ils avaient au ciel une mère, une avocate qui prendrait soin de leurs intérêts.

Ô sainte Mère de Dieu, je veux, autant qu'il m'est possible, accompagner en esprit votre corps sacré et me joindre à ces deux chœurs d'anges et d'apôtres pour chanter avec eux vos louanges. Il était juste que le Verbe éternel, à qui votre corps avait servi durant neuf mois comme de sépulcre vivant et glorieux, vous donnât, pour recevoir ce même corps, un autre sépulcre qui, durant trois jours, fût glorieux par une suite de merveilles. D'ailleurs, comme votre corps n'avait jamais été employé qu'à glorifier le Créateur, et qu'il devait dans trois jours reprendre ce saint emploi pour toute l'éternité, n'était-il pas raisonnable que les anges, pendant ce temps-là, lui servent en quelque sorte de langue, pour louer par leur entremise celui qu'il avait lui-même glorifié jusqu'à la mort ? Je vous rends grâces, ô Verbe divin, de l'honneur que vous faites aujourd'hui à votre Mère, et je vous supplie, par son intercession, de m'accorder une mort si sainte, que je mérite de jouir de votre présence en sa compagnie dans la gloire éternelle. Ainsi soit-il.

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